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billets d’entrée qu’elle vend à moitié prix. C’est grace à de tels moyens que l’association prospère, tandis que les théâtres ont à lutter chaque jour contre des difficultés nouvelles. Il est des auteurs dramatiques dont le nom ne retentira jamais qu’au boulevard, et dont le revenu annuel s’élève à 40 et 50,000 francs. La société ne peut justifier son existence ni par l’intérêt des administrations théâtrales, ni par l’intérêt de l’art. Loin de prêter appui aux théâtres, elle leur fait une rude guerre, et, pour peu qu’ils lui résistent, elle les met en interdit. On se souvient des luttes toujours malheureuses que certaines administrations ont soutenues contre la ligue des auteurs ; on se souvient des obstacles qu’a rencontrés, que rencontre encore la représentation des opéras étrangers sur la scène française. On sait enfin de quelles restrictions la société a fait payer sa tolérance, quand elle a permis de rares infractions à cette règle au théâtre de l’Opéra-Comique. Les spéculateurs ne devaient pas s’arrêter en si beau chemin ; après avoir repoussé de notre scène, comme improductives, les gloires étrangères, ne fallait-il pas en bannir au même titre le répertoire classique, ou bien le transformer en matière imposable ? C’est à quoi l’on a songé, et on tenta sérieusement, il y a quelques années, de prélever des droits sur les œuvres de Corneille, de Racine, de Molière, jouées à l’Odéon. Nous nous arrêtons à ce dernier trait : quel exemple ferait mieux juger de l’esprit qui anime cette coalition littéraire ?


IV.

L’histoire a été plus heureusement servie que les lettres par les sociétés savantes. A côté de l’Académie des inscriptions et des comités institués par le gouvernement, la Société royale des antiquaires, la Société de l’histoire de France, la Société ethnologique, la Société de l’école des chartes, travaillent avec zèle, et quelquefois avec succès, à arracher au passé quelques-uns de ses secrets.

La Société ethnologique, qui date de 1839, a formulé en ces termes dans un article de son règlement le but de ses travaux : « Recueillir, coordonner et publier les observations propres à faire connaître les différentes races d’hommes qui sont ou qui ont été répandues sur la terre. » Pour arriver à ce but, la société adresse une série de questions aux érudits, aux voyageurs, sur les caractères physiques, le langage, les croyances religieuses, les cultes, les traditions, l’influence du sol et du climat chez les divers peuples. Il s’agit, on le voit, des annales du genre humain tout entier, et, comme symbole de cette universalité, la compagnie a figuré sur son sceau un globe rayonnant qui porte pour exergue ces mots de la Genèse : « Selon les familles et les langues, par territoires et par nations. » Deux volumes de mémoires ont été publiés en 1841 et 1845 ; ils contiennent des travaux distingués, et, si faibles que soient ses ressources pécuniaires, la Société ethnologique nous parait avoir sa raison d’être dans l’avenir ; l’idée qui en a inspiré la création a été accueillie avec faveur, il existe aujourd’hui à Londres et à New-York des associations qui ont pris le même titre, qui poursuivent le même but, et qui entretiennent avec la société de Paris des relations qui ne peuvent manquer d’être très profitables à la science.

L’Institut historique, fondé en 1833, embrasse également dans ses études tous les temps et tous les lieux, et les quatre classes dont il est formé s’occupent de l’histoire générale et de l’histoire de France, de l’histoire des langues, des littératures,