du Vinci, qui n’a jamais été surpassée ; il reste encore dans la Cène de Sainte-Marie-des-Graces de quoi étonner, de quoi confondre la pensée de ceux qui l’étudient. Il n’y a pas un des convives dont la tête n’ait coûté au Vinci plusieurs journées de méditation, plusieurs nuits d’insomnie. On peut dire sans exagération que la Cène de Sainte-Marie-des-Graces est le dernier mot de l’art humain. La pensée révélée par la couleur ne saurait atteindre un degré supérieur d’évidence, de clarté. Jamais le pinceau ne pourra lutter plus heureusement avec la parole. Envisagée du point de vue religieux, la Cène de San-Miniato n’est pas moins vraie ; la supériorité du Vinci, repose sur l’analyse si variée, sur l’expression si précise et si claire des sentimens qui doivent animer chaque physionomie. Il demeure bien entendu que dans cette comparaison je fais, comme je le dois, abstraction du dessin.
Dans la Cène de San-Salvi, que trouvons-nous ? Une réunion de figures habilement peintes, simplement posées, dont tous les mouvemens sont naturels et clairement exprimés. Nous chercherions vainement dans cette composition le sentiment religieux qui domine dans la Cène de San-Miniato, ou la profonde sagacité, empreinte dans la Cène de Sainte-Marie-des-Graces. Il y a, dans l’exécution de chaque figure, une adresse, une vérité qui méritent assurément de grands éloges. Si le sujet accepté par André n’était pas un des plus difficiles, un des plus imposans que la peinture puisse se proposer, il serait permis de vanter la fresque de San-Salvi. Malheureusement, pour traiter un pareil sujet, il faut plus que de l’habileté, il faut la passion religieuse de Giotto ou la profondeur philosophique du Vinci. En acceptant une pareille donnée, André n’avait pas consulté ses forces. Voué depuis long-temps à limitation de la réalité, étranger aux méditations qui élèvent la pensée jusqu’à la beauté idéale, il devait échouer dans la représentation de la Cène. J’admire autant que personne le charme et l’éclat de cette composition, je rends pleine justice à la manière dont les têtes et les mains sont modelées, je me rappelle, avec plaisir la disposition des draperies ; mais j’ai beau faire, il m’est impossible de voir dans la fresque de San-Salvi la représentation de la Cène.
Avant d’entrer sous le portique de la Nunziata, arrêtons-nous un moment dans le cloître des Servi. C’est dans ce cloître, au-dessus d’une Porte ; qu’est placée la Madonna del Sacco. Si l’on peut reprocher aux draperies de la Vierge un peu de raideur, il est impossible de ne pas admirer sans réserve les trois figures dont se compose cette fresque délicieuse. Le visage de la Vierge respire à la fois la pudeur et la fierté. L’enfant Jésus est plein d’une grace et d’une bonté divines. Le saint Joseph, appuyé sur un sac et placé derrière la Vierge, regarde l’enfant divin d’un œil à la fois curieux et respectueux. Celui qui n’aurait vu dans Florence que la Madone del Sacco pourrait, d’après cet ouvrage