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un vase plein de pièces d’or et cette inscription « Un roi fils de roi, en telle année, ouvrira cette pyramide, et dans cette entreprise dépensera une certaine somme. Nous voulons bien lui rembourser la dépense qu’il aura faite ; mais, s’il continue ses recherches, il aura des frais énormes à supporter et n’obtiendra plus rien. » Le calife fut grandement étonné, il ordonna qu’on fit un compte exact de ce que l’excavation avait coûté, et à sa grande surprise, la somme trouvée égalait tout juste l’argent dépensé à ce sujet, il admira combien les hommes d’autrefois étaient sages, et comme ils avaient de l’avenir une connaissance à laquelle personne autre ne saurit parvenir. M. Wilkinson suppose que le calife Al-Mamoun fit placer là cette somme pour pouvoir renoncer de bonne grace à son entreprise, et former la bouche aux critiques en montrant qu’elle n’avait rien coûté.

Après les rêves de l’imagination viennent ceux de la science. J’ai déjà parlé des initiations placées dans l’intérieur des pyramides. Comme les pyramides forment une masse compacte, sauf des vides très peu nombreux, ceci rappelle un peu l’Anglais qui demandait à visiter l’intérieur de l’obélisque. On a vu dans les pyramides des observatoires aussi bien que des sanctuaires ; mais ici encore les faits ne se sont pas toujours prêtés aux hypothèses. L’existence du revêtement poli qui a recouvert les pyramides, et qui en rendait l’ascension à peu près impraticable, exclut entièrement l’idée que jamais leur plate-forme ait pu servir à des observations. La direction des soupiraux qui pénètrent jusque dans la chambre funèbre et l’inclinaison des corridors ont suggéré l’opinion que ces soupiraux et ces corridors étaient dirigés dans un but astronomique vers certaines parties du ciel, notamment vers l’étoile polaire ; mais l’étoile polaire, à l’époque où ont été bâties les pyramides, n’occupait pas la place qu’elle occupe aujourd’hui dans le ciel ; Aussi cette rencontre, qui avait frappé Caviglia, a été jugée fortuite par Herschel[1]. Un fait est réel et remarquable, c’est que les pyramides sont orientées, et orientées avec une grande précision. La légère déviation qu’on y a signalée diffère à peine, dit M. Biot, de celle que Picard a cru reconnaître dans la méridienne de Tycho-Brahé[2]. Ce savant établit d’une manière évidente, ce me semble, que les pyramides ont pu faire l’office de gnomons pour déterminer les solstices, les équinoxes, et, par suite, la durée de l’année solaire ; mais, tout en admettant qu’une intention astronomique ait présidé à l’orientation des pyramides, on peut penser que leur caractère de monumens funèbres est aussi pour quelque chose dans cette orientation qui leur est commune avec les grandes tombes

  1. Voyez sir John Herschel’s, Observations on the entrance passages in the Pyramids of Gizeh. — Vyse, II, 107.
  2. Mémoires sur différens points d’astronomie, 41, 42.