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avant mon départ ; et dont l’histoire offre une particularité intéressante. Ils ont fait partie de la collection de Fouquet, la première en France où des antiquités égyptiennes aient trouvé place, et ils ont eu l’honneur d’être célébrés par La Fontaine, qui, dans une épître à Fouquet, dit avoir eu grand plaisir à contempler

Des rois Céphrim et Kiopès
Le cercueil, la tombe ou la bière.

On voit que ces tombes passaient pour avoir recueilli les restes de Chéops et de Chéfren, les rois des pyramides ; mais, ayant eu occasion de les examiner, grace à l’obligeance de leur possesseur actuel ; et ayant lu sur leurs couvercles le nom et les titres de leurs anciens habitans, ce que n’avait point fait. La Fontaine, je puis assurer qu’elles n’ont jamais renfermé que des prêtres et non des rois.

La difficulté d’être seul au désert depuis que les voyageurs y abondent et que les bédouins se sont faits domestiques de place s’est produite à moi tout à l’heure d’une manière étrange. Fatigué par la chaleur, j’ai avisé de loin un palmier et me suis dirigé de ce côté pour me reposer et me rafraîchir à son ombre. Comme j’approchais, j’en ai vu descendre un Arabe qui s’était mis là en embuscade dans l’intention de découvrir de loin les voyageurs, non pour les détrousser, mais pour leur offrir ses services. Il n’y a pas plus de solitude maintenant au pied des pyramides qu’au milieu des ruines de Rome. Vous voulez rêver sous un palmier, il en dégringole sur votre tête un cicérone.

Au nord de la seconde pyramide, on voit sur le rocher quelques hiéroglyphes très distinctement tracés. Ils nous reportent à une époque comparativement bien moderne ; ils nous font descendre de quatre mille ans à quinze ou seize cents ans tout au plus avant Jésus-Christ. Deux courtes inscriptions mentionnent un certain Mai préposé aux constructions de Ramsès II[1], et montrent qu’à l’époque comparativement récente de Sésostris, il y a eu ici des constructions. Le temps, qui a épargné leurs aînées, les a fait disparaître, et ces inscriptions sont le seul vestige qu’elles aient laissé[2].

Autour des pyramides, tombeaux des rois de la quatrième dynastie, sont les tombeaux de leurs sujets. Au nombre des mieux conservés est le tombeau d’Eimai et celui que les Anglais appellent le Tombeau des Nombres. J’ai passé la soirée d’hier dans le premier, et une partie de la

  1. il ne peut y avoir de doute sur ce titre bien connu. Je m’étonne que M. Birch ait rendu tour à tour les deux hiéroglyphes dont ce titre se compose par les porteurs, le chef des porteurs, le chef des bâtisseurs. Cette dernière interprétation est seule un peu exacte.
  2. Les ruines situées près de la seconde pyramide, et qu’on appelle le temple, sont-elles des vestiges de ces constructions du temple de Sésostris ?