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entra dans Jérusalem, non plus avec la bienveillance d’Alexandre, mais avec l’orgueil d’un vainqueur dont la curiosité dédaigneuse voulut même pénétrer jusqu’au fond du sanctuaire. C’en est fait, Rome et Jérusalem soutiennent l’une contre l’autre une implacable guerre ; la lutte et le dénouement seront terribles. Rome s’entêta à faire tomber cette nationalité opiniâtre qui ne veut pas, comme le reste du monde, courber la tête, et c’est ainsi qu’aux malheurs de Jérusalem, si durement éprouvée depuis des siècles, si éloquemment pleurée par ses prophètes, vient s’ajouter une ruine irréparable. Le temple ne se relèvera plus. Qu’on place par la pensée à travers toute cette tragique histoire les grandes figures de ces poètes sacrés qui tour a tour avertissent, épouvantent et consolent, qu’on s’y représente les enseignemens et la vie morale répandus par les docteurs de la loi., par les trois sectes des saducéens, des pharisiens et des esséniens, ayant des solutions différentes pour les problèmes de la religion et de la philosophie, puis qu’on décide s’il y a beaucoup d’histoires dignes d’être comparées en importance et en grandeur aux annales du temple juif.

Il y a dans ces annales une continuité de traditions vraiment admirable et tout-à-fait indépendante des solutions que peut donner la critique à certaines difficultés. La grandeur de l’ensemble reste inaltérable au milieu des doutes, des conjectures, des systèmes qu’élèvent les sciences philologiques sur la question de savoir par qui, à quelle époque furent écrites plusieurs parties de l’Ancien-Testament. La création du monde et le commencement du genre humain forment les premiers anneaux d’une chaîne historique qui s’étend presque sans interruption depuis le Pentateuque jusqu’au dernier livre des Maccabées. Viennent ensuite les ouvrages de l’historien Josèphe : c’est encore un Juif qui tient la plume, mais ce Juif écrit en grec[1] et dans l’intérêt des Romains.

Nous avons ailleurs rapproché l’historien Josèphe de Polybe. Tous deux ont assisté à la ruine de leur pays, sous la protection du vainqueur : Polybe fut l’ami de Scipion ; Josèphe trouva son salut dans le patronage de Vespasien. En terminant le vingtième livre de ses Antiquités judaïques, le fils de Mathias se rend, a lui-même ce témoignage, que nul autre n’aurait pu faire connaître aux Grecs l’histoire des Juifs avec autant d’exactitude. Il en donne pour raison qu’il était à la fois très versé dans la langue grecque et dans les coutumes de son pays, réunion de connaissances fort rare parmi les Juifs, car ces derniers font peu de cas, c’est toujours Josèphe qui parle, de ceux qui apprennent des

  1. Il est vrai que Josèphe écrivit d’abord l’histoire de la guerre des Juifs contre les Romains en chaldo-syriaque, mais il en fit lui-même une traduction grecque, et de cette manière Vespasien et Titus purent lire le récit de leurs exploits.