Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/787

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Allemagne ne resta pas en arrière. Michaelis, en 1770, déroula dans un long traité[1] tout l’ensemble de la législation mosaïque ; il fut suivi dans cette carrière par Eicchorn. Douze ans après, Herder faisait paraître la première partie de son ouvrage sur le génie de la poésie hébraïque[2]. Cette fois, les poètes et les prophètes de l’antique Judée étaient célébrés par un artiste dont la science alimentait l’imagination. L’accent d’une conviction profonde, un style chaud et véhément où les feux de l’Orient semblaient parfois se refléter, ici l’élan du poète, là l’autorité du critique, toutes ces qualités, assurèrent au livre de Herder une popularité qu’aucun livre sur le même sujet n’avait encore obtenue. Le XVIIIe siècle était favorable aux Juifs, car voici venir pour eux le manient d’une réhabilitation politique dans un grand pays. La France, en 1791, conféra aux Juifs tous les droits de citoyens français. Quinze ans après, Napoléon convoquait les premiers des Juifs à une grande assemblée, ils devaient délibérer sur l’organisation qu’il convenait de donner à leurs coreligionnaires dans toute l’étendue de l’empire. « Il est urgent, disait l’empereur dans son décret de convocation[3], de ranimer parmi ceux qui professent la religion juive les sentimens de morale civile, qui, malheureusement, ont été amortis chez un trop grand nombre d’entre eux par l’état d’abaissement dans lequel ils ont trop long-temps langui, état qu’il n’entre point dans nos intentions de maintenir ni de renouveler. » Paroles généreuses autant que sensées par lesquelles les Juifs étaient conviés à faire disparaître les derniers obstacles qui pouvaient entraver, leur entière incorporation dans la grande famille française.

De nos jours, les Juifs, surtout en Allemagne, où leur émancipation politique. a encore quelques degrés à franchir, ont eu de célèbres représentans dans les lettres, dans les sciences, dans les arts. Parmi nous, où tout leur est ouvert jusqu’à l’enceinte du pouvoir législatif, ils ont su se rendre dignes, par un dévouement sincère à la nationalité française et par leur conduite, de l’égalité complète à laquelle ils ont été élevés. Voici aujourd’hui un de leurs coreligionnaires les plus distingués qui donne à de graves travaux historiques un développement nouveau. M. Salvador n’en est pas à son début. Après avoir dirigé vers la médecine les travaux de sa jeunesse, après avoir soutenu, en 1816, à la faculté de Montpellier, une thèse[4] qui fut remarquée, et dans laquelle le jeune candidat montrait avec des connaissances positives une sorte

  1. Mosaisches Recht.
  2. Vom Geist der ebrœischen Poesie. — Il y a deux ans, Mme la baronne de Carlowitz a publié une traduction de l’ouvrage de Herder.
  3. Décret du 30 mai 1806 (IV, bulletin, XCIV, no 1631)
  4. Considérations générales sur l’application de la physiologie à la science des maladies.