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cinq siéges successifs pour emporter tour à tour le faubourg Bézétha, la ville neuve, la basse ville, le temple, enfin la partie la plus élevée de Jérusalem, le mont Sion, qu’on appelait la Cité de David. M. Salvador ne termine pas son histoire avec la chute de Jérusalem ; il consacre un cinquième livre aux suprêmes efforts de la nationalité juive qui, sous Trajan, se révolta contre les Romains en Syrie, en Égypte, dans l’île de Chypre, et qui, pendant le règne de l’empereur Adrien, jeta une vive et dernière lueur par l’héroïsme de Barcokébas, et par la science du docteur Akiba, que l’enthousiasme de ses disciples comparait à Moïse. Adrien, qui était né en Espagne, y transplanta, dit-on, beaucoup de Juifs, et c’est de son règne qu’il faudrait dater la dispersion générale de la race juive dans l’Occident.

L’antiquité nous avait laissé deux récits du siége de Jérusalem. L’historien. Josèphe était dans le camp de Titus ; il assistait à toutes les évolutions des troupes romaines, à toutes les opérations du siége. Les transfuges qui de temps à autre s’échappaient de Jérusalem, et les Juifs qui survécurent au fatal dénouement, instruisirent Josèphe des divisions et des fureurs intestines qui désolèrent la malheureuse cité. Il put entreprendre, et, en effet, il a tracé un tableau éloquent et complet de cette catastrophe. Il n’y dissimulé pas, qu’à ses yeux les excès des zélateurs étaient autant de crimes inutiles qui ne pouvaient empêcher le triomphe des Romains. Plusieurs fois pendant le siége Josèphe avait fait le tour de la ville pour parler aux assiégés et leur persuader de se rendre. C’est avec des sentimens décidément hostiles au peuple juif, avec un mépris tout-à-fait romain, que Tacite ouvre le cinquième livre de ses Histoires par la description vive et concise d’une petite nation bornée par l’Égypte au midi, et au couchant par la Phénicie et la mer. Il trace à grands traits les vicissitudes politiques de ce peuple singulier dont les rois, dit l’historien, entretinrent la superstition dans l’intérêt de leur pouvoir, auquel ils unissaient, pour mieux l’affermir la dignité sacerdotale. On voit combien peu Tacite connaissait la constitution hébraïque : il n’était pas plus juste envers la religion des Juifs ; il en parle dans des termes dont Racine paraît s’être inspiré, quand il a mis dans la bouche d’Athalie ces deux vers :

Et tout ce vain amas de superstitions
Qui ferme votre temple aux autres nations.


Tacite aimait ces digressions ; ces épisodes qui donnaient souvent, sous sa plume, à des annales contemporaines la physionomie d’une histoire universelle : une page lui suffit pour passer de l’époque de Pompée à celle de Vespasien, et il entame le récit du siége de Jérusalem, qu’il abandonne un moment pour suivre sur les bords du Rhin la lutte de Civilis contre les armes romaines. Malheureusement la partie du