écrié un jour à la chambre : « Vous mettriez, devant moi un ministère composé de six M. Malou que je le combattrais, car il serait réduit à l’impuissance et ne pourrait qu’être fatal au pays. » Si Léopold s’est inspiré dans ses choix d’un scrupule de dignité, avouons qu’il a eu la main bien malheureuse. Pour soustraire son initiative à l’influence normale des libéraux, il l’a rivée aux contradictions des ultramontains.
L’abnégation de Léopold, dans cette circonstance, est d’autant plus rare, que ce parti ultramontain, auquel il s’est gratuitement livré, est l’adversaire né des prérogatives royales, exclusivement défendues par ces mêmes libéraux qu’il repousse. Le programme de M. Rogier en fait foi. La dernière clause, il est vrai, tend à enlever au roi le droit entièrement nouveau de nommer les magistrats municipaux en dehors des conseils ; mais les autres lui accordent ou lui confirment des droits plus importans, et, au pis aller, les libéraux qui interprètent les lois fondamentales dans le sens le plus favorable au pouvoir exécutif, se bornant à repousser une inconséquente dérogation à ces lois, étaient pour Léopold un allié plus sûr que cet autre parti qui nie en principe et en détail l’initiative, l’indépendance même de la royauté, sauf le cas accidentel où, sentant le monopole des élections municipales lui échapper, il a voulu, à titre d’essai, exploiter l’élément royal. Le roi avait pu d’autant moins se méprendre sur le peu de sincérité de cette avance des catholiques, que bientôt après, dans le fameux débat sur le jury d’examen, ils avaient exhumé contre la couronne leurs vieux argumens radicaux de 1830-36. Rien n’a manqué à l’abaissement volontaire de la couronne. Avec un à-propos brutal, s’il n’est pas fortuit, le jour où le nouveau ministère, expression suprême des complaisances du roi pour les catholiques, a fait sa première apparition à la chambre, les orateurs catholiques glorifiaient la résistance traditionnelle de leur parti aux prétentions du pouvoir exécutif.
Un fait beaucoup plus grave, c’est le retour subit des ultra-libéraux à ces défiances anti-dynastiques qu’ils semblaient avoir abdiquées, il y a quatre ans, en s’alliant aux doctrinaires. Cette conversion des ultra-libéraux n’était rien moins que définitive. Un ministère adopté par eux, un ministère tel que l’entend ni M. Rogier, eût pu seul, en pliant leurs convictions encore rétives au joug des nécessités gouvernementales, transformer peu à peu en habitude, en système, ce qui n’était dans l’origine qu’une tactique d’opposition. Le roi n’avait qu’à leur tendre la main pour les gagner définitivement : il a préféré les frapper d’une exclusion injurieuse, et leurs vieilles antipathies, s’ajoutant à la rancune de ce procédé, ont pris un caractère d’aigreur jusqu’ici inconnu. « Vous êtes un cabinet de révolution ! » s’est écrié à la tribune l’un des chefs de ce groupe, M. Castiau, en faisant de transparentes allusions au ministère Polignac. C’est exagéré, mais significatif. Cette désaffection