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pour l’épiscopat le droit de diriger les collèges communaux. M. de Theux s’y prend d’une autre façon : l’article 10 de son projet énonce le principe même de M. Van de Weyer ; mais l’article 11 ajoute que les collèges communaux dont la direction passerait des conseils à l’autorité ecclésiastique échangeront leur titre contre celui de collèges adoptés. Un mot à la place d’un autre, et tout est dit. Ces jours-ci, à l’ouverture de la session, les libéraux ont posé indirectement la question de cabinet sur cet article 11. M. de Theux a bravement accepté ; seulement, au moment du vote, il a déclaré que son projet n’avait nullement pour but d’approuver la convention de Tournay, ce qui a fait naître un mouvement d’incertitude chez les libéraux et divisé leurs voix. Il avait été en effet convenu d’avance que la question de cabinet ne sortirait pas de ce terrain. Partout ce parti pris de se substituer aux libéraux. Dernièrement il s’agissait d’élire un député : tandis que les feuilles épiscopales accusaient le candidat libéral de représenter « le despotisme, l’immoralité et l’irréligion, » le ministère recommandait le sien comme « libéral modéré, » ce qui s’éloigne un peu, par parenthèse, du cri de guerre électoral de 1843 : Il faut vaincre les libéraux en masse ! M. de Theux donnera-t-il le change aux esprits ? C’est plus que douteux ; il a contre lui sa réputation même d’habileté. Un piège, ou qui pis est, un aveu de faiblesse, voilà ce qu’on verra dans chacune de ses concessions.

Les nombreux intérêts matériels qu’irrite un provisoire de seize ans offrent au cabinet de Theux un autre moyen de diversion, et sur ce terrain, il faut le reconnaître, l’avantage est aux catholiques. Pendant que leurs adversaires se consument en stériles chicanes, en théories contradictoires, changeant de vues sur les mêmes intérêts, sans autre guide qu’un ridicule esprit de nationalité ou d’étroite opposition, les catholiques ont successivement donné au pays les traités avec la Prusse et la Hollande, la convention française, une loi des sucres qui favorise l’extension des rapports commerciaux, la construction du canal de Schipdonck, réclamée depuis vingt ans. Tous ces résultats, hormis le traité avec la Prusse, accompli lui-même sous l’influence des catholiques, appartiennent déjà au ministère de Theux. Que chacune de ces mesures soit une rétractation, que le parti ultramontain n’ait fait ici que démolir pièce à pièce un système d’aberrations commerciales qu’il avait lui-même édifié, peu importe : les intérêts matériels tiennent compte, avant tout, de ce qui leur profite. L’union douanière avec la France, instamment sollicitée par les populations flamandes, est peut-être à la veille d’imprimer le dernier sceau à ce revirement. Si, par l’influence des Flandres que le parti ultramontain est plus que jamais intéressé à ménager, et de ces fausses susceptibilités nationales qui dominent les libéraux, l’union douanière devient une question