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difficulté ? Il a proposé enfin une loi sur le défrichement des terrains incultes ; mais on n’improvise pas des moissons comme on improvise une loi : l’hiver sera rude, et la faim, le froid, n’escomptent pas l’avenir. Cela n’est pas sérieux ; ce qui l’est beaucoup plus, ce sont les déclarations, les demi-aveux échappés au ministère et à ses adhérens durant les débats sur la convention du 13 décembre, débats que des milliers de pétitions en faveur de l’union douanière ont presque entièrement absorbés. M. de Theux, et Israël n’en a pas frémi, s’est très catégoriquement prononcé pour l’extension des rapports commerciaux avec la France. M. Dechamps. le grand instigateur du système des droits différentiels, a prédit l’union douanière, quoique dans un avenir lointain ; l’abbé de Haerne l’a formellement réclamée. M. de Muelenaere, ministre d’état sans portefeuille, accusé d’encourager, en sa qualité de gouverneur de la Flandre occidentale, le pétitionnement unioniste, s’est très mal défendu. Le respect humain, la fausse honte, s’en mêlent encore un peu ; cependant, hormis deux ou trois catholiques pétrifiés dans leur vieille théorie d’isolement, tous les orateurs du parti, ministres, représentans et sénateurs, se prononcent plus ou moins directement en faveur de cette union franco-belge dont le seul nom les eût jadis scandalisés. Attendons-nous aux plus curieux reviremens : entre la convention du 13 décembre et l’union douanière, la distance n’est pas plus grande qu’entre la loi des droits différentiels et les traités allemand et hollandais. Au point de vue même de la pondération des influences extérieures, abstraction faite des déplacemens commerciaux qui forcent, comme je l’ai dit plus haut, la majorité des intérêts belges à graviter vers nous, ces traités sont, pour la Belgique, une raison de plus de se rapprocher intimement de la France. Il n’y a pour un petit peuple que deux façons d’échapper à la prépondérance étrangère : l’isolement absolu, et l’expérience en a démontré ici l’impossibilité pratique, ou bien l’équilibre des alliances, et cet équilibre n’existe aujourd’hui qu’entre la Prusse et la Hollande. La convention du 13 décembre, qui ne crée au commerce français aucun intérêt majeur en Belgique, n’est pas un contre-poids suffisant à deux traités qui rivent à la Belgique l’avenir maritime du Zollverein et des Pays-Bas. Dira-t-on que l’union franco-belge déplacerait l’équilibre en notre faveur ? C’est jouer sur les mots. La Hollande, qui a besoin de débouchés étrangers pour son commerce colonial, la Prusse, qui ne pouvait, faute de ports, utiliser ses voies fluviales et son excédant manufacturier, se sont l’une et l’autre rattachées à la Belgique par leur véritable point de cohésion ; mais la France, que sa topographie continentale et maritime dispense d’aller chercher en Belgique des faveurs de pavillon et de transit, ne peut se rattacher aux marchés belges que par sa production manufacturière et