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Arrivons maintenant à l’art profane. Laissant à l’art religieux et social ce caractère auguste, incommunicable, d’autorité, de majesté, nous avons presque dit d’authenticité, que son rival sera toujours tenté de lui envier, nous examinerons de quelle manière cette liturgie de la messe des morts, si admirablement complétée par la prose Dies irae, a inspiré les compositeurs modernes, qui n’ont pas craint de lutter avec une pareille poésie, avec ce plain-chant surtout dont nous n’avons pas encore parlé, parce que ses beautés sont d’une nature qui échappe aux formes ordinaires de l’analyse. Nous le dirons tout d’abord : la science moderne, avec ses séductions, ses combinaisons, ses ressources, ses effets, n’a rien produit qui puisse approcher du simple plain-chant du Dies irae. Cette mélodie, nue comme la mort, aux tons crus, aux contours anguleux et abrupts, a quelque chose qui frappe de stupeur et qui glace jusqu’aux entrailles ; et ce qu’il y a d’admirable, c’est que la même période mélodique se prête aussi merveilleusement à l’expression de la terreur qu’à l’accent de la supplication. Aussi, loin de nous toute idée de comparaison entre deux choses qui procèdent de deux principes opposés, qui appartiennent à des ordres d’idées différens : entre l’art liturgique et l’art proprement dit, entre le plein-chant et la musique. La consitution tonale de l’un donne naissance à l’expression calme et contemplative ; la constitution tonale de l’autre engendre l’expression terrestre et passionnée Les partisans des messes à grand orchestre auront beau arguer de je ne sais quel sentiment religieux, de je ne sais quelle couleur religieuse, de je ne sais quelle couleur religieuse. Ce ne sont la que mots vagues et vides de sens. Il restera toujours, dans ce système, à fixer les limites de l’art religieux et de l’art mondain, et la question de la confusion des genres se représentera éternellement. Sans doute, l’on peut admettre que ces deux tonalités ne seront pas perpétuellement incompatibles ; en d’autres termes, il est permis de rêver une musique religieuse véritablement digne de ce nom, appropriée aux besoins de l’époque et en harmonie avec l’état actuel de l’art. Jusqu’ici pourtant nous ne voyons pas que les tentatives aient été heureuses. Le seul résultat important qu’elles aient préparé, et que déjà on peut annoncer comme prochain, c’est un retour vers le plain-chant pareil à celui qui s’est produit naguère pour l’art gothique. Il est impossible que le sens et l’esprit de ces admirables cantilènes ne se dévoilent pas tôt ou tard aux yeux de ceux qui ont pénétré les mystérieuses beautés et la véritable expression des formes de l’architecture chrétienne. Aujourd’hui même, l’introduction de la musique mondaine dans le sanctuaire a tout à la fois quelque chose de faux et de choquant autant pour le goût de l’artiste que pour la piété du fidèle, et il n’est pas nécessaire d’être chrétien pour sentir que les accens du plain-chant sont les seuls qui puissent s’allier avec l’austère poésie des textes sacrés, comme les seuls qui puissent dignement retentir sous les voûtes de la basilique.

Les messes de morts les plus connues ont eu pour auteurs Palestrina, Jomelli, Mozart et Cherubini, qui en a fait deux. Parmi les compositeurs vivans qui ont marché dans la voie si glorieusement ouverte, il faut nommer M. Berlioz, et enfin M. Zimmerman.

Nous n’enregistrons que pour mémoire la Missa pro defunctis de Palestrina. Il est- visible que ce grand homme n’a pas rattaché cet ouvrage à l’idée d’une solennité particulière, et qu’il l’a écrit dans le seul but de compléter l’office de la chapelle Sixtine. Cette œuvre, du reste, ne contient ni l’Introït