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les Austro-Russes. Le 30 mai, il mouilla dans la baie de Vado, jeta dans Savone 1,000 hommes qu’il avait amenés de Brest, et, se dirigeant immédiatement sur Gênes, y fit entrer le 5 juin un immense convoi de blé. Dès le lendemain, montrant une activité trop peu commune alors dans notre marine, il faisait voiles vers l’ouest, et, pendant que les Anglais l’attendaient devant Minorque ou sur la route d’Alexandrie, il mouillait en rade de Carthagène.

Lord Keith cependant avait enfin trouvé sa trace ; mais, au moment où trente lieues à peine le séparaient de la flotte française, trois dépêches successives du comte de Saint-Vincent, alors malade à Mahon, l’obligèrent à rétrograder vers le cap Saint-Sébastien. Mal informé de la position de l’amiral Bruix, le comte de Saint-Vincent ne songeait qu’à prévenir la jonction de la flotte française avec les vaisseaux espagnols, et le mouvement rétrograde qu’il prescrivit à l’amiral Keith favorisa précisément cette opération. En se rapprochant de Minorque pour y rallier le vaisseau à trois-ponts la Ville de Paris, qui avait jusque-là porté le pavillon du comte de Saint-Vincent, lord Keith laissa pendant plusieurs jours le passage libre à nos vaisseaux, et quand il vint se présenter, le 22 juin, à l’entrée de Toulon, notre flotte, en sûreté dans le port de Carthagène, était déjà réunie à la flotte espagnole. Bruix ne voulait point conduire cette double armée au combat. Son but était atteint, il avait secouru Moreau ; il ne lui restait plus qu’à rentrer dans l’Océan et à aller abriter dans Brest la flotte espagnole, nouveau gage d’une alliance ébranlée, pacifique trophée de cette importante campagne. Lord Keith le poursuivit avec 31 vaisseaux jusqu’à la hauteur d’Ouessant ; mais, malgré les efforts de l’amiral anglais pour regagner le terrain qu’il avait perdu par ses hésitations, la flotte combinée entrait dans Brest le 13 juillet 1799, sans avoir soupçonné qu’à sa suite marchait une armée ennemie.


III.

Depuis que Nelson avait concentré ses forces sous Maritimo, et rappelé à Palerme le capitaine Troubridge, qui venait de rétablir l’autorité de Ferdinand IV dans les îles d’Ischia et de Procida, il n’était resté dans la baie de Naples qu’une escadre légère sous les ordres du capitaine Edward Foote. L’insuffisance de cette station avait naturellement contribué à prolonger la résistance des patriotes, et, à entretenir l’espoir qu’ils avaient conçu d’être secourus par l’amiral Bruix. Cependant, malgré les plus héroïques efforts, les troupes républicaines perdaient chaque jour du terrain, et voyaient tomber l’un après l’autre tous leurs postes avancés. Le 11 juin, le fort de Vigliena avait été emporté par les Russes et les Albanais ; le 13, les Calabrois s’étaient établis au pont de la Madeleine ; le 17, les forts de Rovigliano et de Castellamare