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exprimée possédait alors, non-seulement sur les intérêts, mais encore sur les consciences des particuliers. Les sénats de Berne, de Zurich, de Bâle et de Schaffouse imposèrent la réformation à leurs sujets ; les villes de Saint-Gall, Mulhouse, Bienne et Genève se déclarèrent protestantes ; les sujets des comtes de Neufchâtel en firent autant ; chez les Grisons, dans les pays de Thurgovie, de Glaris et d’Appenzell, l’hésitation et les fluctuations religieuses durèrent près d’un siècle ; le reste des contrées helvétiques persévéra dans la profession exclusive du catholicisme. La nécessité établit enfin en Thurgovie et dans la Haute-Rhétie, à Glaris et dans le Toggenburg, une sorte de tolérance mutuelle. Les citoyens d’Appenzell aimèrent mieux partager leurs montagnes entre les deux communions opposées, assignant à chacune son district. Le pays de Vaud, que, dans ce temps-là même, les républiques de Berne et de Fribourg venaient d’enlever aux ducs de Savoie (1536), subit, quant à sa religion, la loi de ses nouveaux maîtres, et le comté de Gruyères fut traité de même, lorsqu’en 1555 son dernier comte, expulsé par ses créanciers, alla mourir à la cour de Henri II, laissant Fribourg et Berne se partager inégalement ces derniers lambeaux de l’antique féodalité helvétienne.

La confession protestante qui, dès le commencement, prévalut en Suisse était un presbytérianisme austère dont les dogmes furent strictement définis et la discipline rigoureusement constituée dans l’église de Genève par le célèbre législateur Calvin. Les travaux de Zwingli et d’OEcolampade ne firent que préparer le terrain à cette rénovation presque radicale quant aux formes extérieures et même à la hiérarchie, mais d’autant plus inflexible sur les principes qu’elle laissait debout, qu’on l’accusait avec plus d’âcreté d’avoir ébranlé tout l’édifice de l’organisation chrétienne. Genève acquit à ce changement une importance hors de toute proportion avec son territoire et sa population. Elle devint une puissance intellectuelle, une sorte de congrès permanent des réformés de France et d’Italie, un asile ouvert à la culture des lettres sérieuses et subordonnées au principe protestant. Dans la Suisse teutonique, Bâle et Zurich, villes également réformées et en constante communication avec les églises presbytériennes d’Écosse et de Hollande, donnèrent pareillement aux études classiques et même à la culture des sciences naturelles des encouragemens généreux. Le commerce, dans la ville entièrement protestante de Saint-Gall, s’élevait à la hauteur d’une science par l’habileté des procédés et l’intelligence des calculs. Enfin le chaos politique dans lequel les scissions en matière religieuse avaient plongé la Suisse n’était éclairci et la confusion des tendances opposées n’était, dans une certaine mesure, dominée que par la conduite prudente et ferme du sénat de Berne, lequel défendait les principes calvinistes comme une des bases fondamentales