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résolue à défendre ses droits ; le doute ou la négation purent recourir à la violence contre les convictions qui leur résistaient, mais celles-ci se retrempèrent dans la lutte et ne firent que gagner du terrain.


V.

Telles étaient les complications intérieures qui semblaient devoir préoccuper exclusivement la Suisse, quand un événement inattendu ramena vers les relations extérieures l’attention qui s’en était un moment détournée. La révolution de 1830 fit explosion dans un pays qui à lui seul exerçait sur tous les cantons plus d’influence que le reste du monde, et dont seize mille soldats, fleur de la jeunesse suisse, servaient alors le souverain. Les trois journées eurent un long retentissement en Suisse, et l’on sentit l’ordre politique établi par les événemens de 1814 chanceler dans tous ses fondemens.

Quelques-uns des pouvoirs qui devaient le plus souffrir de ce grand événement s’empressèrent de le saluer par des acclamations joyeuses Bâle et Genève applaudirent, parce que leurs sympathies libérales et philosophiques étaient flattées. Conduits, comme il arrive souvent, à l’imprévoyance par un long exercice du pouvoir, ces gouvernemens n’apercevaient pas les résultats qu’allait avoir pour eux-mêmes le changement soudain, absolu, du principe sur lequel la première monarchie de l’Europe occidentale s’était rassise après les traités de Paris et de Vienne.

Cependant les gouvernemens patriciens, blessés dans les affections héréditaires de leurs membres, irrités par la rupture des capitulations qui renvoyait en Suisse, sans emploi, un si grand nombre de soldats et d’officiers, pressentant d’ailleurs quelle accession redoutable de forces l’exemple de la France apportait dans les cantons au principe démocratique ; ces gouvernemens, dis-je, ne purent dissimuler leurs regrets ; ils ne s’en hâtèrent pas moins de reconnaître le nouvel ordre de choses, et ils se bornèrent, quant aux affaires générales de leur pays, à mettre sa neutralité sous l’abri de déclarations renouvelées. En effet, on pouvait prévoir que les légations étrangères, rassemblées alors, sauf une seule[1], dans la ville de Berne, et qui depuis 1815 s’étaient habituellement entendues, quant aux points essentiels, sur les conseils à donner à la Suisse, lui imprimeraient au contraire désormais des directions opposées. Chaque puissance, pour entraîner l’ensemble de la confédération, allait faire usage de ses moyens spéciaux d’influence sur les cantons pris à part. Dans le principe, la France, appuyée avec mesure par l’Angleterre, devait trouver en face d’elle l’Autriche, la Prusse et

  1. La nonciature apostolique, dont la résidence était à Lucerne.