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comme si un instinct secret l’eût avertie que mon ame venait de se mettre en harmonie avec la sienne.

— Merci, me dit-elle en me tendant la main ; souvenez-vous de lui, et priez ainsi quelquefois pour lui.

— Oh ! madame, m’écriai-je, puissions-nous tous nous retrouver dans un monde meilleur, que nos vies aient été longues ou courtes, heureuses ou éprouvées !

— L’ame immortelle de William est là-haut ! me dit-elle d’une voix grave, tandis que son regard, à la fois triste et brillant, revenait se fixer sur le ciel.

Depuis, en accomplissant les devoirs de ma profession, j’ai souvent vu mourir ; mais, à ceux qui restaient, j’ai toujours dit quelques paroles consolantes sur une vie meilleure que celle-ci ; et ces paroles, je les pensais !

Enfin, un mois après ces silencieux événemens, Eva Meredith donna le jour à un fils. Quand, pour la première fois, on lui apporta son enfant, « William ! » s’écria la pauvre veuve, et des larmes, des larmes secourables trop long-temps refusées à sa douleur, s’échappèrent par torrent de ses yeux. L’enfant porta ce nom tant aimé de William, et un petit berceau fut placé tout près du lit de la mère. Alors le regard d’Eva, qui s’était détourné de la terre, revint vers la terre. Elle regarda son fils comme elle avait regardé le ciel. Elle se penchait vers lui pour retrouver l’image de son père. Dieu avait permis une parfaite ressemblance entre William et le fils qu’il ne devait pas voir. Il se fit un grand changement autour de nous. Eva Meredith, qui avait consenti à vivre pour attendre que l’existence de son enfant fût séparée de la sienne, maintenant, je le voyais bien, voulait vivre encore, parce qu’elle sentait qu’il fallait à ce petit être la protection de son amour. Elle passait les journées, les soirées, assise auprès du berceau, et quand je venais la voir, oh ! alors, elle me parlait, elle me questionnait sur les soins à donner à son fils ; elle expliquait ce qu’il avait souffert ; elle demandait ce qu’il fallait faire pour lui épargner le plus petit mal. Elle craignait pour l’enfant la chaleur d’un rayon du soleil, le froid de l’air le plus léger. Penchée vers lui, elle le couvrait de son corps, le réchauffait par ses baisers. Un jour, je crus presque la voir sourire à son fils ; mais jamais elle ne voulait, en balançant le berceau, chanter afin que le sommeil fermât les yeux de l’enfant ; elle appelait une de ses femmes, et disait : « Chantez pour endormir mon fils ! » Puis, elle écoutait, laissant ses larmes doucement couler sur le front du petit William. Pauvre enfant ! il était beau, il était doux, facile à élever ; mais, comme si la douleur de sa mère eût, même avant sa naissance, pénétré jusqu’à lui, cet enfant était triste ; il ne criait guère, mais il ne souriait pas ; il était calme, et le calme à cet âge fait songer à la souffrance. Il me semblait