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découvris aussi une espèce nouvelle de mollusque gastéropode voisine de ces tritonies dont Cuvier nous a le premier fait connaître l’organisation. L’espèce sicilienne, quoique de taille plus petite, est bien plus singulière que celle de nos côtes de France. Qu’on se figure une petite limace de forme allongée, portant sur les côtés une rangée de branchies ramifiées semblables à autant de buissons animés d’une exquise délicatesse ; qu’on remplace les tentacules lisses et opaques de nos colimaçons par deux grands cornets de verre d’où s’échappe un bouquet de branchages rosés entremêlés de fleurs violettes ; qu’on étende en avant de la tête un voile étoilé de la plus fine gaze, et l’on n’aura encore qu’une idée bien imparfaite de cet admirable petit être qui semble fait d’émail et de cristal vivans.

Les localités propres à nos recherches qu’offrait la presqu’île de Milazzo étaient riches, mais limitées ; trois semaines suffirent pour les épuiser, et, pressés d’ailleurs par la saison qui avançait à grands pas, nous hâtâmes notre départ. Des terrasses de la villa Lucifero ; nous apercevions un cône noir s’élevant brusquement de la mer et que couronnait, presque toujours une légère fumée. C’était l’île de Stromboli dont le volcan, sans cesse en activité, sert de phare naturel aux vaisseaux allant de Naples à Messine. Après avoir visité des roches granitiques, schisteuses et calcaires, après avoir étudié les populations propres à chacune d’elles, nous voulions leur comparer les côtes et la faune des volcans. Nous partîmes donc pour Stromboli par une belle soirée que suivit une de ces nuits admirables, privilège des régions méridionales. Le soleil avait disparu à l’occident dans un lit d’or et de pourpre, des étoiles étincelantes avaient surgi à l’orient, envahi le ciel tout entier, et leurs mille rayons, remplissant l’air d’une lueur phosphorescente, nous permettaient de distinguer comme à travers une gaze la chaîne des monts Pelores, le sommet de l’Etna. D’irrégulières bouffées d’un vent tiède nous arrivaient du sud, tantôt enflant notre voile latine, tantôt la laissant retomber le long du mât et appelant nos matelots à leurs bancs de rameurs. Alors l’un d’eux entonnait à demi-voix un chant monotone, et les avirons, obéissant à ce rhythme connu, tombaient et s’élevaient tour à tour. De temps à autre, une vive étincelle s’allumait au contact de la rame, et, s’éteignant avec la même rapidité, nous révélait la présence d’un de ces petits êtres qui produisent de la lumière comme la torpille engendre de l’électricité. Quand la brise s’élevait de nouveau, les chants cessaient, les avirons rentraient le long du bord ; nos hommes, couchés sur leurs bancs, reprenaient leur sommeil interrompu, et le léger clapotis de l’eau autour de notre proue interrompait seul le silence de la mer, bien plus profond que celui de la terre. Long-temps nous admirâmes cette scène si grande dans sa calme simplicité ; puis, étendus sur nos matelas abrités par une tente légère,