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déclaration de guerre ; mais elle ne fut prête à entrer en campagne qu’au mois de mars 1805.

Au moment où surgissait cette nouvelle complication, qui coïncidait avec l’arrivée de Villeneuve à Toulon, les forces de Nelson venaient d’être portées à onze vaisseaux ; Villeneuve aussi en avait onze sous ses ordres, et, tandis que l’Espagne commençait ses préparatifs, la flotte française achevait les siens. « Les vaisseaux français, écrivait Nelson, embarquent des troupes, des selles, des chevaux même, dit-on, et cependant ils demeurent au port. Si du moins je connaissais leur destination, si j’étais sûr de les rencontrer, je serais un misérable de mettre un instant en doute l’issue de cette rencontre. » A défaut de combats, les soins de son escadre faisaient oublier à Nelson les ennuis d’une croisière dont le terme semblait reculer sans cesse. Les réparations les plus urgentes s’exécutaient à la mer, et les frégates apportaient à la flotte les provisions de toute sorte qu’on pouvait tirer de la côte d’Espagne et d’Italie, souvent même de la côte de France. Grace à la prévoyance de l’amiral, le scorbut était inconnu dans la flotte anglaise : après seize mois de croisière, pendant lesquels Nelson était resté presque constamment entre le cap Saint-Sébastien et la Sardaigne, cette flotte ne comptait pas un malade sur 6,000 hommes. « La grande affaire dans une armée, écrivait l’amiral, c’est la santé des hommes dont cette armée se compose. » Il est touchant, il est surtout instructif de voir l’importance que ce grand homme de mer attache aux moindres détails qui peuvent assurer le bien-être de ses matelots. Quand il s’agit de dresser des plans d’attaque, il se contente d’indiquer sa pensée à grands traits : « Les signaux sont inutiles, dit-il, entre gens disposés à faire leur devoir ; notre principal objet est de nous soutenir mutuellement, de serrer l’ennemi de près et de nous placer sous le vent, afin qu’il ne nous échappe pas ; » mais quand il en vient à s’occuper des vivres qu’on lui envoie de Malte, des vêtemens destinés aux marins de sa flotte, sa sollicitude n’est point aussi aisément satisfaite. Il lui faut, pour la rassurer complètement, avoir prévu jusqu’aux vérifications les plus minutieuses, avoir indiqué quelle épreuve on fera subir aux légumes secs, au bœuf et au porc salé avant de les accepter et de les distribuer aux équipages. Et ces chemises de laine, trop courtes d’au moins cinq ou six pouces, qui exposent ses matelots au danger d’un refroidissement subit, n’est-ce pas là une de ses plus sérieuses préoccupations, au moment même où M. Frere, l’ambassadeur d’Angleterre à Madrid, lui écrit qu’il va demander ses passeports et s’embarquer pour Londres ? C’est qu’avec « quelques pouces de plus, ces chemises imparfaites seraient l’un des meilleurs vêtemens introduits dans le service de la flotte et sauveraient peut-être la vie à plus d’un bon matelot. » Comme Wellington, Nelson, en véritable Anglo-Saxon, ne songe point à mettre en doute le patriotisme d’un soldat