Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la ligne, et arbore au grand mât le signal de ralliement. La frégate la Thémis, commandée par le brave capitaine Jugan, vient l’enlever sous le feu de l’ennemi et l’entraîne vers Cadix. A regret, le Pluton et le Neptune se rangent sous son pavillon, et vont rejoindre l’Argonaute et l’Indomptable, qui, avec le San-Leandro, le San-Justo et le Montanez, s’éloignent lentement du champ de bataille.

La colonne de Collingwood a rempli sa tâche. Des 20 vaisseaux qu’elle a combattus, 10 lui ont opposé une résistance sérieuse ; quelques-uns l’ont canonnée de trop loin, d’autres ont plié trop tôt ; 8 seulement échappent à sa poursuite. L’aile gauche de l’armée combinée est dispersée ou détruite, mais à l’aile droite on peut combattre encore. Là Dumanoir, comme nous l’avons dit, possède 10 vaisseaux intacts, et, à un mille à peine de cette puissante réserve, le Bucentaure et la Santissima-Trinidad partagent glorieusement les mêmes dangers et repoussent les mêmes attaques. LE NEPTUNE, de 98, le Leviathan et le Conqueror, de 74, l’Africa, de 64, entourent ces deux vaisseaux et les foudroient de leur artillerie. Calme et résigné au milieu de l’affreux désastre qu’il a prévu, Villeneuve s’étonne cependant que Dumanoir hésite aussi long-temps à voler à son secours. Depuis le commencement de l’action, l’avant-garde n’a eu d’autre ennemi à repousser qu’un chétif vaisseau de 64, l’Africa, qui, séparé pendant la nuit de l’armée anglaise, a dû, pour arriver jusqu’au vaisseau du contre-amiral Cisneros, prolonger, à portée de canon, la division du contre-amiral Dumanoir. Villeneuve, pendant qu’il lui reste un mât encore pour y faire flotter ses signaux, ordonne à l’avant-garde de virer lof pour lof tout à la fois. Dumanoir répète ce signal. Moins long-temps différée, cette manœuvre eût pu rétablir le combat ; mais le temps a marché, et le feu du Bucentaure et de la Santissima-Trinidad s’affaiblit déjà. On voit bientôt, comme les arbres d’un bois séculaire, leurs mâts coupés au pied chanceler et s’abattre. Déplorable résultat d’un instant d’hésitation ! Dumanoir, forcé d’assister aux suprêmes convulsions de ces nobles navires, compte avec anxiété les instans qu’il leur reste à vivre. L’avant-garde, il n’en peut plus douter, arrivera trop tard. Il est près de trois heures avant que la faiblesse de la brise lui ait permis d’achever son évolution. Les 10 vaisseaux dont cette avant-garde se compose se partagent alors en deux pelotons égaux. Le Scipion, le Duguay-Trouin, le Mont-Blanc et le Neptuno se rangent dans les eaux du Formidable et manœuvrent pour passer au vent de la ligne ; le San-Francisco d’Asis, le San-Augustino, le Rayo, de 100 canons, le Héros et l’Intrépide gouvernent directement sur le Bucentaure.

Ces 5 vaisseaux ont cherché pour se rendre au feu un chemin plus court que celui que leur indique le Formidable ; mais tous ne persévèrent pas dans cette voie généreuse : sur le champ de bataille, au lieu de combattans épuisés, ils trouvent des vaisseaux frais pour les