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récipiendaire exprimait au vif l’homme qu’il célébrait. Ce n’étaient pas le ton exalté et les digressions pompeuses du panégyrique, mais, ainsi que nous le demandions, une étude, une étude éloquente. Ceux qui ont eu l’honneur d’approcher M. Royer-Collard, ceux qui le connaissent seulement par ses écrits, ceux-là le voyaient revivre peu à peu dans sa personne et dans sa pensée. Ceux qui de lui n’avaient qu’une vague idée étaient mis au fait de cette figure à la fois si calme et si mobile, si vive en sa gravité, et dans ses contrastes toujours si franche et si accusée. Deux mots peuvent définir le discours de M. de Rémusat, un des plus remarquables que l’Académie ait de long-temps entendus : il est élevé d’idées, élégant et brillant de langage. Ces qualités, plus particulièrement de circonstance, sont celles, comme on le sait, qui dominent chez l’écrivain, lequel n’avait qu’à s’abandonner à sa nature pour être au ton du sujet et dans les convenances du lieu. Ce qui ne frappe pas moins dans le discours du récipiendaire, c’est une netteté décisive, c’est un jugement dont la vérité pleine, sans amener toujours avec elle le cortége des preuves, fait supposer tout ce qu’elle implique aux esprits au courant de la matière, et en même temps pénètre sans peine dans les intelligences qu’elle trouve peu préparées. Quant à l’intérêt, M. de Rémusat n’avait pas à le créer, il n’avait qu’à le tirer d’une mise en œuvre habile des élémens offerts par le sujet. L’embarras n’était que dans la richesse même des matériaux, et un tact bien sûr était nécessaire pour faire un choix. Pour ne pas trop dire, il fallait tout savoir.

M. de Rémusat a vivement saisi cette diversité d’aspects, et il s’en est servi pour caractériser fortement dès le début le personnage qu’il remplace. « Les politiques ont été rarement des philosophes, les philosophes ne sont pas toujours des sages ; ni les philosophes, ni les politiques, ni les sages, ne sont pour cela des écrivains. M. Royer-Collard a été un politique, un philosophe, un écrivain, un sage, et de plus un homme plein d’imagination et de passion, d’un esprit hardi et réglé, grave et piquant, inflexible et mobile, dont le caractère ne se laissait dompter que par la conscience, et qui maintenait l’unité de sa vie moins encore par la puissance de la raison que par celle de la vertu. » En annonçant ainsi l’homme qu’il voulait peindre, M. de Rémusat s’engageait à le présenter sous tous ces points de vue. Il fallait que le philosophe, que le politique, que l’écrivain, que le sage, j’ajoute aussi que l’homme qui à tant de dignité unissait tant de singularité, fussent exprimés pour ainsi dire tour à tour et en même temps (car ils se mêlent), et dans la variété des nuances, et dans cette unité de raison et de vertu qui domine tous les contrastes. Ajoutez, pour rendre la tâche plus vaste encore, que sa vie touche et tient intimement aux soixante années les plus fécondes de notre histoire.

A peine, en rappelant quelques-unes des vues si grandes et si vraies