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demeurer abrogée, annonçant d’ailleurs comme garantie « que nulle arrestation politique ne pourrait plus avoir lieu sans la signature des ministres et d’un secrétaire d’état, que le détenu aurait le droit d’être interrogé, que le gouvernement français renonçait à la faculté de faire passer les citoyens d’un département dans un autre, enfin que la loi même cesserait d’être en exercice le 1er janvier 1818, » M. Royer-Collard soutint cette proposition, mais il la soutint avec réserve. Il fit sentir fortement qu’il était pressé de sortir des lois d’exception. « J’aimerais presque autant, messieurs, ajoutait-il, qu’on n’eût pas déguisé le pouvoir arbitraire sous cette espèce de parure légale, car la plus sûre défense que l’on puisse garder contre le pouvoir arbitraire, quand on a le malheur d’en avoir besoin, c’est de lui laisser sa véritable physionomie et de l’appeler par son nom.

La loi d’élection de 1817, si violemment combattue par le parti de la réaction royaliste, fournit une nouvelle preuve de sa fidélité au régime représentatif. Cette loi, fondée sur le principe de l’élection directe, et accordant le droit de suffrage à tout citoyen âgé de trente ans et qui payait 300 francs de contributions directes, fut attaquée par l’extrême droite comme une loi révolutionnaire. Dans un troisième et orageux débat, cinquante-quatre orateurs furent entendus. M. Royer-Collard se prononça pour le maintien de la loi. Désireux de compléter le système représentatif, il élabora dans le conseil d’état, de concert avec MM. de Serre et Guizot, un projet de loi sur la presse, reconnu pour une des œuvres les plus belles qui aient jamais été écrites sur la matière.

Mais le temps de la sagesse n’était pas venu, il ne devait même pas venir. M. Decazes fut dépassé par son propre parti. M. Royer-Collard ne pensa pas qu’il pût continuer à servir comme fonctionnaire un gouvernement que sa conscience lui ordonnait de combattre comme député. Il se démit de sa place de conseiller d’instruction publique, et, sans sortir un instant du calme qui convenait à sa dignité et de la légalité la plus stricte, il appartint dès-lors à l’opposition. Quand l’assassinat du duc de Berry et l’élection de l’abbé Grégoire eurent donné une recrudescence nouvelle aux exigences du parti vainqueur, quand ceux qui, par l’appoint perfide de quatre-vingts voix, avaient décidé l’élection du régicide, venaient s’en faire une arme contre le système électoral en vigueur, M. Royer-Collard fit entendre de sévères paroles ; il flétrit des mesures qui attentaient à la vérité de la constitution, et signala comme un présage funeste et extraordinaire « cette anarchie qui, repoussée de la société, s’est réfugiée au cœur du pouvoir. » Cependant ce ministère, qu’il taxait d’excessive faiblesse devant la majorité et d’excessive violence devant la révolution, parut trop modéré à la droite ; elle le renversa, et, pour qu’elle fût satisfaite, M. de Villèle parut aux affaires.