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De 1821 à 1828, l’opposition de M. Royer-Collard fut active, suivie, opiniâtre. Placé entre les quatre cent dix de M. de Villèle et les dix-sept de la gauche, il était à lui seul le centre gauche de la chambre, ne vous tant pas aller au-delà de la charte de 1815, mais ne voulant pas non plus en rien céder. A chaque proposition émanée du pouvoir, il parut sur la brèche. Droit d’aînesse, septennalité de la chambre, loi sur le sacrilège, sur la suppression de la liberté de la presse, toutes ces inspirations d’un gouvernement saisi de vertige, il les combattit avec vigueur, avec une hauteur de vues qui n’appartint qu’à lui. En 1827, M. Royer-Collard, pour prix d’une lutte si dignement soutenue, remporta un double honneur : il fut appelé par l’Académie française, qui s’adjoignit dans sa personne le philosophe éloquent, le puissant orateur, et aussi l’énergique défenseur de cette liberté de la presse en faveur de laquelle l’Académie protestait par l’organe de MM. de Châteaubriand, Michaud, Lacretelle et Villemain ; il fut nommé par sept collèges électoraux, triomphe unique dans nos fastes parlementaires ! On peut dire, en effet, qu’en ce moment M. Royer-Collard représentait la France, qui ne désirait pas, qui ne voulait pas de révolution nouvelle, mais qui désirait et voulait qu’on acceptât les grands résultats de celle qu’elle avait faite.

L’espérance un instant ranimée par le ministère conciliateur de M. de Martignac dura peu. M. de Polignac et Charles X s’entendirent pour mettre fin à une position fausse, en poussant le mal à l’extrême. Le nouveau ministère se déclara franchement contre toutes les idées qui avaient prévalu en France depuis quarante ans. Le roi, ajoutant au discours rédigé par le ministère des phrases menaçantes, vint signifier à la chambre qu’elle eût à sacrifier toute libre opposition. M. Royer-Collard, comme président de la chambre, par la fameuse adresse des 221, vint signifier à son tour à la royauté, d’ailleurs en des termes pleins de calme et de respect, la nécessité de choisir entre l’acceptation franche et loyale du gouvernement représentatif ou la désaffection nationale. Inutiles paroles ! le gouvernement faisait de son aveuglement une affaire de conscience et même de religion. Avec tout l’entêtement des mauvais systèmes, avec tout l’emportement des convictions sincères, mais étroites et fausses, il marcha sans relâche aux abîmes, et la vieille monarchie tomba.

Elle tomba, et M. Royer-Collard, qui lui avait donné son appui et ses bienveillans avertissemens, l’accompagna de ses regrets. Il ne prit aucune part à la révolution qui la renversait. Il consentit pourtant à faire partie de la nouvelle chambre, parce qu’il vit l’ordre en péril, et soutint le pouvoir par dévouement pour la société. C’est ainsi qu’il prononça l’éloge funèbre de Casimir Périer. Fidèle à son principe, l’alliance du pouvoir et de la liberté, il combattit la coalition comme