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même digne d’attention que, cette fois, la masse de céréales à importer dépassera tout ce qui s’était jamais vu. Ainsi, l’importation de 1846 excède celle de 1818, qui fut de 2,650,000 hectolitres, celle de 1832, qui monta à 4,500,000. Elle s’est élevée à 5,658,000. Si cependant on fait courir l’année du 1er juillet, afin d’avoir une période qui réponde à la moisson même, l’importation jusqu’au 1er janvier a été de 2 millions et demi d’hectolitres seulement. Quelques personnes disent que pour l’année entière, de juillet à juillet, nous irons, à 10 millions d’hectolitres de blé ; j’espère que non. L’Angleterre, et en général l’Europe occidentale, éprouve la même pénurie que nous. En Irlande, c’est même une famine par le manque de pommes de terre, dont ce peuple malheureux vit presque exclusivement. La récolte des pommes de terre en Irlande est réduite au quart, et au 1er janvier la Grande-Bretagne avait déjà importé 14 millions d’hectolitres de blé : c’est quatre à cinq fois l’importation ordinaire ; mais aussi les trois greniers de la civilisation moderne sont abondamment pourvus. Les récoltes de la Baltique ont été bonnes ; celles de la Russie méridionale et des États-Unis, jointes à leurs réserves, représentent une très grande masse disponible. Il ne faut pas un grand effort à ces trois contrées, lorsqu’elles n’ont pas été frappées des mêmes rigueurs de la nature, pour remplacer le déficit que peut éprouver l’Europe occidentale. Ce n’est même qu’un jeu pour elles lorsqu’elles sont en bonne année ; car, en supposant que l’Europe occidentale ait besoin de 40 millions d’hectolitres, et cette évaluation est énorme, le commerce, pour peu qu’il fût averti d’avance, qu’il pût expédier les ordres et concerter ses opérations, et qu’il eût la latitude de remplacer une bonne partie du blé par l’équivalent en autres céréales, trouverait la masse entière dans l’Amérique seule. La production de ce pays est en effet extraordinaire, moins en froment cependant qu’en autres grains. Pour le froment, les États-Unis excèdent à peine la moitié de la production de la France, qui est de 75 millions d’hectolitres, mais leur récolte en grains de toute sorte est prodigieuse. Pour une population qui ne dépasse pas 20 millions en ce moment, ils ont 300 millions d’hectolitres. L’empire d’Autriche, avec 37 millions d’habitans, ne va qu’à 220 millions d’hectolitres, et nous, avec nos 35 millions de bouches, nous nous tirons d’affaire avec moins de 200. Encore faut-il dire que la consommation moyenne de viande aux États-Unis est triple ou quadruple de ce qu’elle est en France ou en Autriche. L’Amérique du Nord a donc un très grand surplus, mais c’est particulièrement du maïs, dont l’Autriche ne récolte que 20 millions d’hectolitres, et la France moins de 10. Les États-Unis en font 200 millions, et cette année, par une faveur dont on doit bénir la Providence, a été chez eux une vache grasse, particulièrement pour cette denrée. Jusqu’à ces derniers temps, ils exportaient plus de blé que de maïs. Ils n’expédiaient au dehors cette graine indigène qu’après l’avoir convertie en