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LA DERNIÈRE GUERRE MARITIME.

le golfe de Finlande, et, résolus à ne point trahir malgré cet abandon la cause de la coalition, ils se promettaient de défendre vigoureusement les abords de leur capitale. Le jour où l’on apprit l’apparition de la flotte anglaise dans le Cattégat, il y eut à Copenhague plus de mille enrôlemens volontaires. Dans toutes les classes de la société, on vit éclater le même dévouement et le même patriotisme. L’université seule fournit un corps de 1,200 jeunes gens, l’élite du Danemark, et, pendant quelques jours, Copenhague présenta l’admirable spectacle d’un peuple confondu dans une seule pensée et groupé autour de son prince pour repousser l’invasion étrangère.

En Angleterre, où M. Vansittart avait déjà fait connaître le mauvais accueil fait à ses premières ouvertures, on attendait avec anxiété des nouvelles de la flotte. « Je suis bien sûr de Nelson, disait lord Saint-Vincent à son secrétaire, et je serais sans inquiétude si son rang eût permis de lui donner le commandement en chef de cette escadre ; mais j’ai moins de confiance dans sir Hyde Parker, qui n’a point encore été éprouvé. » Pour placer le vainqueur du Nil en sous-ordre, l’amirauté avait eu des motifs moins futiles que le scrupule hiérarchique allégué par le comte de Saint-Vincent ; mais, du jour où le temps de négocier était passé et où il fallait combattre, Nelson allait s’élancer de lui-même au premier rang. Par un heureux don de son énergique nature, il était complétement étranger à cette agitation nerveuse qui grandit l’apparence du danger, et qu’éprouvait quelquefois, écrivait-il de Yarmouth au comte de Saint-Vincent, « leur ami Parker à la pensée des sombres nuits et des champs de glace de la Baltique. » Depuis long-temps, il regrettait les délais inutiles qui avaient permis aux Danois de mettre leur capitale en état de défense. Souvent à Portsmouth, quand il pressait l’armement de ses vaisseaux, il répétait à ses amis avec impatience : « Le temps ! voilà notre meilleur allié. — Conservons précieusement celui-là, puisque les autres nous abandonnent. Quoi qu’on en puisse dire, ajoutait-il, c’est de lui que tout dépend à la guerre. — Cinq minutes font la différence entre une victoire et un revers. » Arrivé à l’entrée du Sund et consulté par l’amiral Parker, il insistait plus vivement encore sur la nécessité de prendre promptement un parti. La saison n’avait pas été rigoureuse cette année, et, si les vaisseaux mouillés à Revel parvenaient à prendre la mer, on pouvait se trouver obligé d’agir contre Copenhague, en présence d’une escadre d’observation de 15 ou 20 vaisseaux qui auraient beau jeu contre une flotte à moitié désemparée. Quant aux plans proposés pour entrer dans la Baltique, Nelson les regardait tous comme également praticables. Il trouvait à passer par le grand Belt l’avantage de pouvoir détacher immédiatement une partie de la flotte contre l’escadre russe ; mais il recommandait surtout qu’on ne perdît point une minute, et qu’on profitât du premier vent favorable pour