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Les produits de la combustion de la poudre-coton ont été analysés. Quelques-uns d’entre ces produits (principalement la vapeur d’eau ordinaire qui se dégage en grande quantité au moment de l’explosion) paraissent devoir apporter quelques obstacles à l’emploi général et constant de la nouvelle poudre dans les armes à feu. Espérons que les efforts des chimistes parviendront à neutraliser ces fâcheux résultats. La découverte de la nouvelle poudre date à peine de trois mois, et, si l’on songe aux progrès qu’elle a faits dans un laps de temps si court, on peut lui prédire de glorieuses destinées. Un siècle après que la préparation de la poudre à canon fut connue en Europe, elle n’était pas arrivée au degré de perfection que le coton-poudre a atteint en quelques jours. Il a grandi si vite que plusieurs gouvernemens en ont pris ombrage. En Bavière, en Prusse, en Russie, la fabrication en a été soumise aux lois qui régissent celle de la poudre ordinaire. Les gouvernemens ont senti le danger de la préparation si rapide, si facile d’une substance qui pourrait devenir dangereuse entre les mains d’un criminel. Si l’on se rappelle, d’autre part, combien, dans les grandes guerres de la révolution, il était difficile d’avoir du salpêtre ; si l’on se souvient que cette difficulté a failli compromettre alors le succès de nos armes, on verra que le coton-poudre est une garantie de plus donnée aux peuples qui auraient à résister à une soudaine agression, et l’on comprendra que c’est là sans contredit une des plus importantes découvertes dont nous soyons redevables à la chimie moderne.

Un mot encore avant de quitter ce sujet. Le coton-poudre de M. Schoenbein présente-t-il les mêmes avantages et les mêmes inconvéniens que celui des chimistes français ? Si l’inventeur allemand, au lieu de faire un secret de sa découverte, nous avait communiqué le mode de préparation qu’il emploie, on ne serait point incertain aujourd’hui sur une question dont la solution aurait peut-être déjà profité aux intérêts de la science et des arts.

Nous ne pouvons passer sous silence une autre découverte qui préoccupe en ce moment presque tous les chirurgiens des hôpitaux de Paris, et qui a été l’objet de nombreuses communications au sein des académies des Sciences et de Médecine. On sait à quelles tortures sont condamnes les malheureux qui, frappes d’une maladie incurable, doivent subir des opérations chirurgicales. Il s’agit de les plonger dans un sommeil qui, sans compromettre la vie des malades, émousse la sensibilité générale, et leur épargne ainsi la douleur. Si la science moderne atteint ce but, l’humanité lui devra sans aucun doute un grand bienfait. Ce n’est pas que l’idée d’engourdir la sensibilité des malades soit entièrement neuve. Au XIVe siècle, les chirurgiens eurent recours à l’opium, mais l’emploi de ce médicament présentait trop de dangers, et il fallut y renoncer. Aujourd’hui la substance employée n’a point encore amené d’accidens. C’est l’éther en vapeur que l’on introduit dans les poumons avec l’air qui les pénètre pendant la respiration.

L’action de ce médicament sur l’économie est depuis long-temps connue ; le Traité de Toxicologie du savant doyen de la Faculté de médecine de Paris en fait loi. On sait aussi qu’il provoque chez l’homme tantôt une grande hilarité, tantôt un profond sommeil. Ce qui constitue la découverte dont nous parlons, c’est donc ta nouvelle application et le mode d’introduction du médicament dans nos organes. Nous en sommes redevables à M. Jackson de Boston. À peine ce chimiste avait-il fait connaître les propriétés des vapeurs d’éther qu’un dentiste