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les personnes qui assistaient à l’expérience. Cela vient de ce que, dans certaines circonstances du moins, le coton-poudre devient fulminant. Cela tient aussi et surtout à la trop rapide combustion de cette substance. La poudre ordinaire, on le sait, peut produire des effets analogues, lorsqu’elle a été trop comprimée. Pour la nouvelle poudre, il faudrait surtout plus de lenteur dans la combustion. Si la chimie atteint ce perfectionnement, elle aura rendu un grand service, et l’on pourra, sans avoir autant à redouter le bris des armes, substituer le coton explosif à la poudre ordinaire. Du reste, M. Piobert ayant démontré qu’en donnant à une masse de poudre la forme d’une sphère, on ralentit l’inflammation, suivant une certaine loi dépendant du diamètre de la sphère, M. Séguier est parti de là pour étudier l’influence du rapprochement des fibres du coton sur la durée de la combustion dans les armes. Il a été constaté que le coton en tissu brûle moins vite que le coton cardé, et qu’il est, par conséquent, préférable. D’ailleurs, l’usage en est plus expéditif. Comme le filage mécanique assigne des poids sensiblement égaux à des longueurs déterminées de fils, on peut couper des étoffes de coton par portions telles, qu’une certaine quantité de ces tissus fasse précisément le poids de la charge jugée nécessaire pour le tir. En préparant à l’avance autant de petits paquets de coton qu’on devrait tirer de coups, on serait dispensé de peser à chaque instant la matière explosive.

Ce qui fait le danger de l’emploi du coton-poudre dans les armes à feu est un avantage pour l’exploitation des mines. Il faut ici une très grande puissance et une instantanéité très vive dans l’inflammation du corps qui doit, au lieu de produire un effet réglé, briser des rochers. Des essais ont été faits dans une carrière de calcaire grossier, sur le territoire d’Issy. Le nombre en est encore trop restreint pour qu’on puisse émettre à cet égard des conclusions certaines ; mais les résultats obtenus sont satisfaisans, et des blocs énormes ont été fendus dans toute leur épaisseur.

Il est d’autres effets avantageux qu’on pourrait tirer de l’emploi du coton-poudre. De toutes les fabrications, la plus dangereuse, sans aucune espèce de comparaison, et l’une aussi des plus insalubres, est celle des amorces employées aujourd’hui pour les armes à feu. On sait qu’il entre une substance mercurielle (qu’en chimie on appelle le fulminate de mercure) dans les préparations dont on se sert. Il serait bien utile de la remplacer par une autre sans dangers pour les ouvriers. Peut-être la nouvelle poudre est-elle destinée à la solution de ce problème. Les tentatives qui ont été faites reposent sur la propriété qu’a le coton explosif de détonner sous l’influence d’un choc. Cependant toute la matière ne brûle pas, quand elle est placée dans une capsule de cuivre et percutée dans une arme à piston ; la portion qui n’est pas entrée en ignition obstrue la cheminée, et l’inflammation ne se communique point à la charge. Le soufre, le charbon, la poudre à canon, comprimés avec le coton fulminant dans des capsules ordinaires, obvient à cet inconvénient en favorisant la combustion de toute la poudre. Des amorces formées avec un mélange de coton explosif et une faible quantité d’un sel appelé le chlorate de potasse, sont tout aussi vives, tout aussi bonnes que celles dont nous nous servons depuis long temps. D’autres sels métalliques ont, au contraire, la propriété de ralentir la combustion du coton-poudre et de donner à la flamme des colorations favorables aux effets des feux de couleur. Nul doute que cette particularité ne soit un jour mise à profit pour les feux d’artifice.