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fut recueillie, en cette qualité, sur le bâtiment avec toute la commisération imaginable.

Ce navire était un galion espagnol. Il arrivait de Panama et faisait voile pour la Conception, où il portait un renfort de troupes considérable destiné à une expédition contre les Indiens du Chili. Catalina n’avait pas à choisir ; ce qu’elle fit, on le devine. Trahie par la fortune, elle prit le mousquet et fut incorporée comme volontaire dans la compagnie de Gonzalo Rodriguez, sous le nom de Pietro Diaz de Saint-Sébastien. Pourquoi Catalina, contre son habitude, désigna-t-elle cette fois sans mentir le lieu de sa naissance ? Cela ne s’explique guère. Était-ce le hasard qui lui soufflait ces inspirations singulières ? Le hasard, a dit quelqu’un, c’est peut-être le pseudonyme de Dieu, quand il ne veut pas signer.

On attendait avec une grande impatience à la Conception le galion espagnol et les troupes qu’il apportait. À peine fut-il signalé, qu’un élégant canot sortit du port et vint l’accoster en rade. Debout à l’arrière de l’embarcation, un officier, richement vêtu et portant fièrement son feutre ombragé d’une plume blanche, donnait des ordres d’une voix brève et impérieuse. Le nom et la dignité de cet officier, bien connus de l’équipage du galion, volèrent bientôt de bouche en bouche ; c’était le señor Miguel de Erauso, secrétaire du gouverneur-général. Miguel de Erauso ! quand ce nom arriva à l’oreille de Catalina, elle bondit comme si elle eût été poussée par un ressort et s’élança dans les bastingages pour voir à son aise l’officier qui montait à bord. Miguel de Erauso était son frère. Elle ne le connaissait pas et ne l’avait jamais vu, car il avait passé en Amérique quand elle comptait deux ans à peine ; mais elle savait qu’il existait, tout en ignorant son grade et sa résidence. Le secrétaire du gouverneur fit mettre les troupes sous les armes, et, une liste à la main, commença l’appel, examinant chaque homme tour à tour. Quand il arriva au nom de Pietro Diaz de Saint-Sébastien, il s’approcha avec intérêt du jeune soldat, lui dit en langue basque qu’ils étaient compatriotes, lui demanda s’il connaissait sa famille, et, sur sa réponse affirmative, le questionna longuement sur son père, sa mère, sur sa petite sœur Catalina. À toutes ces questions si embarrassantes, Pietro répondit sans se troubler, et il charma le capitaine Miguel par la vivacité de son esprit. Enchanté de son jeune compatriote, le señor de Erauso demanda et obtint du gouverneur, quand les troupes furent débarquées, la permission de garder Diaz auprès de lui.

Ce fut sous les ordres de son frère que Catalina apprit, avec une effrayante dissimulation et sans jamais se trahir, le rude métier des armes. Pendant près d’une année, elle vécut sous le même toit, mangeant avec lui, ne le quittant guère et prenant part, comme toute la