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Le tableau seul de la guerre suffit d’ailleurs pour en montrer l’esprit. Le théâtre des hostilités est double ; les insurgés sont en force au sud, dans les montagnes de l’Alemtejo, au nord derrière le Douro. Dans le sud, la junte d’Evora pousse des reconnaissances jusqu’au bord du Tage, presque en face de Lisbonne ; des partis, lancés d’Evora, ont ainsi pénétré en Estramadure, dépassé Setuval, Alcazar, et menacé Almada. Le général Schwalbach, qui commande de ce côté pour la reine, ne peut atteindre un ennemi si mobile, et le peu de forces qu’il a ne lui permet pas d’attaquer Evora ; ne pouvant même répandre assez de colonnes dans la campagne, il est réduit à la laisser sans cesse inquiétée. Il suffit d’une guérilla de vingt hommes pour emporter un gros bourg de deux mille ames ; les employés s’enfuient, et les habitans se convertissent à la junte. Que les troupes royales se présentent, la guérilla se sauve, les employés reviennent, et la révolution est encore une fois vaincue jusqu’à nouvelle revanche. En somme, il paraît que cette guerre de surprises ne tourne pas à l’avantage de l’armée régulière du sud : le général Schwalbach a été contraint de rétrograder du sud au nord jusqu’à Estremoz ; on lui avait enlevé tout un détachement endormi, éparpillé dans un village ouvert, pendant que l’officier jouait aux cartes. Fiers de pareils succès, les chefs de guérillas supportent difficilement l’autorité de la junte et la renouvellent selon leur bon plaisir.

Au nord sont les miguélistes, combattant aussi à leur vieille mode soit dans les montagnes d’Estrella, soit entre le Douro et le Minho. Sur la côte, à l’embouchure du Douro, la grande ville d’Oporto, résidence de la junte centrale des insurgés, se prépare à soutenir le siège dont la menace maintenant le maréchal Saldanha. Vainqueur du comte Bomfin à Torres-Vedras, après de si longues temporisations, Saldanha s’est aussitôt emparé de Coïmbre, et, maître de toutes les places jusqu’à la ligne du Douro, après avoir battu les miguélistes dans Tras-os-Montes, il temporise derechef avec l’espoir de ruiner ainsi l’armée du comte das Antas, comme il avait ruiné d’avance celle du comte Bomfin. Ses lieutenans ont battu et tué le général Mac-Donald, aventurier écossais, mort en brave au service du prétendant ; ils poursuivent avec acharnement le vieux chef miguéliste Povoas, qui les promène sur ses traces dans les montagnes d’Estrella, où les Français, du temps des guerres péninsulaires, traquèrent une poignée d’hommes durant un hiver entier sans jamais les joindre. Das Antas fait, de son côté, des démonstrations militaires au nord d’Oporto, pendant que l’ennemi arrive du sud. Il semble vouloir braver les troupes de la reine, en leur montrant la confiance qu’il a dans la force naturelle de la place, puisqu’il l’abandonne ainsi presque devant les futurs assiégeans. Oporto, qui a résisté, en 1832, aux trente mille hommes de dom Miguel, ne doute pas du succès de la résistance vis-à-vis des sept ou huit mille hommes de Saldanha. La junte gouverne en souveraine, et elle a annoncé hautement qu’aussitôt la déchéance de la reine accomplie, des cortès constituantes donneraient « à qui de droit » la couronne de Portugal dom Miguel la recevrait à condition de la transmettre au fils du marquis de Loulé, s’il mourait sans héritiers. Si ces folies politiques d’un autre temps pouvaient réussir, elles amèneraient immédiatement le casus fœderis prévu par le traité de la quadruple alliance, et il faut espérer que cette fois l’Angleterre, la France et l’Espagne, obligées d’agir de concert pour maintenir le drapeau qu’elles ont arboré en Europe, reconnaîtraient enfin qu’elles ne peuvent séparer ou neu-