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passa par hasard devant la boutique d’un coiffeur : à la vue des figures de cire qui en garnissaient la devanture, les princes firent arrêter et s’écrièrent avec l’accent de l’admiration : Quelles merveilleuses choses ! Le plaisir qu’ils prenaient à voir ces effigies donna l’idée de les conduire au salon de cire de Mme Tussant. On mit deux des princes dans le secret ; on ménagea une surprise au troisième, à l’auteur de la relation. On feignit d’avoir reçu une invitation de la reine, on partit en voiture, et on introduisit les étrangers dans une salle vaste et bien éclairée, où ils virent le roi (Guillaume IV), la reine et toute la cour. Najaf s’avança avec le plus profond respect et inclina la tête devant le très gracieux souverain ; mais celui-ci ne lui rendit pas même son salut. Le prince tira à part M. Fraser et lui demanda la cause de cette froideur. « Je ne sais, lui répondit son guide ; peut-être cela vient-il de ce que ce n’est pas le roi qui vous a invités, mais la reine. » Najaf fit auprès de la reine une seconde tentative aussi infructueuse. Il s’adressa, en dernier ressort, à l’un des ministres, et, n’en obtenant pas de réponse, il le secoua si rudement par le bras, que la pauvre figure de cire tomba sur le parquet. Nous avons suivi dans ce récit la version de Najaf lui-même ; M. Fraser nous apprend qu’il ne laissa pas aller les choses si loin : il avertit le prince au moment où il allait présenter son hommage à l’impassible souverain. Nous n’avons pas été fâché de montrer comment l’auguste touriste s’entend à broder une narration.

Il raconte encore avec intérêt une seconde erreur dont il fut le jouet, et que l’artifice de son récit fait en quelque sorte partager au lecteur.


« Nous sortîmes lundi, nous dit-il, pour aller, dans un vaste édifice, visiter les arts anglais. On nous fit entrer d’abord dans une salle où se trouvaient quelques belles peintures et quelques portraits des rois et des héros anciens. Un escalier nous conduisit dans une chambre haute, où l’on nous pria de nous asseoir. Dès que nous l’eûmes fait, la chambre changea de place et monta en l’air comme un aigle au large vol. Enfin elle replia ses ailes, s’arrêta dans les cieux, ouvrit heureusement son bec (sa porte), et nous sortîmes. Nous nous trouvâmes alors sur une terrasse d’où nous, découvrions toute la ville de Londres, avec la Tamise et l’Angleterre jusqu’à l’Océan. On voyait également les édifices, les jardins, la foule du peuple dans les rues de tous les quartiers. On entendait un grand bruit de voitures et de chevaux. Nous remarquâmes sur la Tamise d’innombrables vaisseaux, semblables à une forêt, dont plusieurs étaient à l’ancre, d’autres sous voile, d’autres ornés de leur panache de fumée. Après avoir contemplé tout à mon aise, je dis à M. Fraser que, toute magnifique qu’était la vue de Londres, j’aimerais mieux encore voir quelque chose des arts anglais, puisque c’était pour aujourd’hui le but de notre course. M. Fraser sourit et me demanda s’il y avait un art plus étonnant que celui qui nous environnait. »

On comprend qu’il s’agit du panorama. Veut-on maintenant contrôler