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des preuves convaincantes de la sagesse du peuple anglais, nous en aurions une pauvre opinion en le voyant payer ainsi les sauts d’une marionnette. »


Les deux Indiens courent ensuite à quelques représentations plus dignes de leurs goûts : ils vont applaudir Van-Amburg à Drury-Lane et Carter à Astley’s, et, quoiqu’ils semblent frissonner d’abord un peu à la vue des exploits du premier, ils décrivent avec une complaisance évidente les tours de force du second : ils nous montrent ses tigres acteurs qui feignent de saisir et de dévorer leur maître, ses lions attelés au char et fouettés comme des chevaux, ses panthères entassées sous sa tête en guise d’oreillers et de traversins. De là ils vont à Victoria’s Theatre rire de tous les bons tours de Blanchard, vêtu d’une peau de singe, dont les gambades les intéressent beaucoup plus que les poses ravissantes de Taglioni. Si quelque chose pouvait expier à nos yeux ce crime de lèse-élégance, ce serait la conclusion suivante, qui n’est peut-être pas sans malice : « L’argent peut tout en Angleterre ; il fait danser les chevaux, soumet les lions au frein et déguise les hommes en singes. »

Il paraît qu’à Bombay on ne raffole guère plus de peinture que de danse. Les deux cousins s’en affligent eux-mêmes : ils voudraient que les dames, par exemple, apprissent à peindre, pour passer le temps, ce qui contribuerait sans doute efficacement à créer des artistes ; qu’elles s’exerçassent à faire des fleurs, des paysages et d’autres petites gentillesses de ce genre, à l’imitation des dames de l’Angleterre, pays où il y a, comme chacun sait, tant d’artistes célèbres. À ce propos, ils nous rendent compte de leur promenade à la Galerie nationale : ils nous donnent le plan, le coût de cet édifice, et nous apprennent qu’il y a, dans les salles d’exposition, des banquettes fort commodes ; ce qui n’empêche pas probablement qu’il n’y ait aussi des tableaux.

Quant aux princes persans, il en était pour eux de la peinture comme de la musique ; ils n’aimaient que celle qu’ils faisaient eux-mêmes : c’est un goût qui n’est pas sans exemple chez les artistes. Timour passait une partie de sa journée à dessiner. Quand il pouvait échapper à M. Fraser, on était sûr de le trouver, ou chez son armurier favori, ou dans son appartement, un crayon à la main. Les trois frères furent néanmoins conduits à l’exposition de peinture qui avait lieu alors à Sommerset-House. Ils admirèrent peu les tableaux. Le plus grand plaisir qu’ils y trouvèrent fut de voir, selon leur galante expression, les originaux eux-mêmes descendre de leurs cadres, et se promener dans la galerie sous les traits de cent femmes charmantes. L’illusion était à leurs yeux le triomphe de l’art, par quelque procédé qu’elle fût obtenue. Ils trouvèrent dans les rues de Londres une exposition, plus intéressante pour eux que celle de Sommerset-House. Le carrosse