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des communes, de saisir le vizir par le collet et de lui dire : Qu’as-tu fait de mon argent ? »

Le monde anglais est un joli roman dans l’esprit des jeunes princes ; c’est presque un conte des Mille et une Nuits. Il n’y a point de mendians dans la Grande-Bretagne, et partant point de souffrances ; les pauvres sont entretenus comfortablement aux dépens de l’état ; les machines fonctionnent toutes seules, et, tout en haut de l’édifice, une brillante aristocratie ne songe qu’à donner des dîners de 10,000 tomans (100,000 fr.). L’histoire des autres peuples ne se simplifie pas moins que celle de la Grande-Bretagne. Veut-on savoir comment l’Amérique a pris le nom qu’elle conserve ? Colomb, revenant bien fatigué en Espagne, s’arrête un instant sur le rivage pour dormir ; un de ses officiers profite perfidement de son sommeil, court à la capitale, apprend au roi la bonne nouvelle et donne son nom au nouveau continent : il s’appelait Améric. On reconnaît l’esprit symbolique de l’Orient, qui traduit toujours sous des formes palpables les événemens extraordinaires. C’est ainsi qu’il créa jadis les mythes d’Orphée et d’Hercule. La constitution des États-Unis nous est présentée de la même façon : « Ils ont un roi qu’ils renouvellent au bout de quatre années. Notre pays, disent-ils, est libéral et indépendant : chacun a donc le droit de gouverner. Ainsi on ne régnera que quatre ans, chacun à son tour. »

Des voyageurs qui s’expriment si librement sur l’industrie, les arts, les mœurs et la constitution politique de la Grande-Bretagne, auraient dû, ce semble, nous parler de sa religion. Le fait est que, soit respectueuse tolérance, soit habitude de croire sans examen et crainte d’appeler la controverse sur leurs propres convictions, nos touristes s’accordent tous à garder sur ce sujet un silence presque absolu. Mohan Lal n’en dit pas un mot dans la relation de son séjour en Angleterre. Nous voyons seulement qu’avant de quitter l’Asie, il rencontra à Caboul un missionnaire anglais qui le prit en amitié et se réjouit fort d’apprendre que le jeune Indien n’adorait qu’un seul Dieu. M. Wolf, c’était le nom du digne ministre, voulut pourtant tâcher de le mener un peu plus loin. Il vint un jour le trouver dans sa chambre, le pria d’écouter la lecture de la Bible et de se faire chrétien. Mohan Lal ne nous dit pas quelle fut sa réponse ; il nous apprend seulement qu’elle plut beaucoup au révérend, qui, en revanche, lui fit part de ses révélations. Il lui dit qu’il avait eu à Bokhara une entrevue avec Jésus-Christ, qui lui avait prédit que la jolie vallée de Cachemire serait dans quelques années une Jérusalem nouvelle. Cette confidence parut « fort singulière » au jeune voyageur, et il attend peut-être pour se convertir l’accomplissement de cette prophétie.

Les princes persans traversèrent la société anglaise avec l’inébranlable sécurité des vrais croyans. La supériorité évidente de la civilisation