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la rigueur d’une conséquence irrésistible, et cependant il y a entre d’ère révolutionnaire et tout ce qui la précède comme une solution de continuité. À quels points, à quels événemens de nos annales, à quels caractères principaux de nos meurs anciennes l’historien doit-il remonter pour reconnaître et déterminer les véritables causes du changement social le plus complet que les hommes aient encore vu ? Si le discernement de l’historien est sûr, si son style a une sobre fermeté, il donnera à l’édifice qu’il veut élever des fondemens solides et un péristyle d’une simplicité majestueuse. Il ne faut pas qu’une pareille introduction récapitule tout le passé dans des proportions sans mesure, et en même temps elle doit concentrer avec une force lumineuse tout ce que ce passé contenait de substantiel, tout ce qu’il avait de fécond tant pour le bien que pour le mal. Une telle introduction serait déjà à elle seule une belle pièce : malheureusement nous l’attendons encore. Ceux qui auraient eu le talent de la concevoir et de l’exécuter ont manqué du loisir nécessaire, et ceux qui l’ont entreprise n’ont réussi que très médiocrement. M. Louis Blanc a consacré tout un volume, le seul qu’il ait encore publié, à dérouler les origines et les causes de la révolution, et il débute par la proposition suivante : L’histoire ne commence et ne finit nulle part. S’il y a de la vérité dans cette affirmation, la critique historique s’est donné bien des peines inutiles depuis deux siècles. On avait cru jusqu’ici que le premier devoir de l’écrivain, quelque sujet qu’il embrassât, était de délimiter exactement le champ de l’histoire et de reconnaître où commençaient les faits véritables et les causes.sérieuses. M. Louis Blanc n’impose pas à l’historien des obligations aussi rigoureuses : il pense que les faits dont se compose le train du monde présentent tant de confusion, qu’il n’est pas d’événement dont on puisse marquer avec certitude soit la cause première, soit l’aboutissement suprême. Et quelle est la raison de cette ignorance fondamentale à laquelle M. Louis Blanc nous condamne si lestement ? La voici. Le commencement et la fin de l’histoire sont en Dieu, c’est-à-dire dans l’inconnu comment alors fixer le vrai point de départ de la révolution française ? Il est donc permis de prendre un point de départ arbitraire, de choisir parmi les faits ceux qui paraissent favorables à la thèse que l’on veut développer, de laisser dans l’ombre tous les autres. Telles sont les conséquences qui découlent des étranges opinions de M. Louis Blanc sur la science historique, et que nous trouvons appliquées dans son livre avec une rare intrépidité. Il lui paraît piquant de commencer l’histoire de la révolution française par Jean Hus et le concile de Constance : pourquoi ne se passerait-il pas cette fantaisie, puisqu’il n’est pas possible de trouver le vrai point de départ ? Il nous parle donc en quelques pages de l’hérésie et de la guerre des hussites, de Ziska, de Procope, et, pour tout ce qu’il n’a pas le temps de nous dire, il nous renvoie à l’auteur de Consuelo. Quelle autorité