Et j’oubliai, là-bas, jusqu’au nom de ma mère.
Je vous offre après moi le livre souverain
Que nul n’a copié sur l’écorce ou l’airain ;
Les étoiles au ciel en ont tracé les pages ;
Par les monts sinueux, les forêts, les rivages,
Par le flot qui serpente et l’herbe qui fleurit,
Son vaste enseignement sur la terre est écrit ;
Pour y lire, il suffit d’en aimer les merveilles,
D’être pur et d’ouvrir ses yeux et ses oreilles,
Et d’aller quelquefois, priant, loin des cités,
Seul, écouter son cœur, dans les lieux écartés ;
C’est mon livre éternel, je laisse en paix les autres. »
— « Chaque année, à Sion, comme ordonnent les nôtres,
Disciple du désert, les autels négligés
N’ont pas eu ta prière et les dons obligés ;
Tu n’as jamais offert encens ni sacrifice ? »
— « Non ; à d’autres présens je crois Dieu plus propice.
Je n’égorgeai jamais, sur les autels anciens,
Les brebis et les bœufs comme les pharisiens.
Sur les sables fumans des plaines d’Idumée,
J’offrais ma propre chair de jeûnes consumée,
Et mes vils appétits, et tout penchant grossier,
Retranché par l’esprit plus aigu que l’acier.
Non, je n’ai pas prié dans ces enceintes vides
Où tombent des docteurs les paroles arides,
Mais au temple de vie, où mes sens, immolés,
Dans la lumière et l’air se sont renouvelés ;
Je m’y dépouille encor, chaque fois que j’y plonge,
De quelque impur lambeau de haine et de mensonge.
Donc, vous qui me suivez dans le lit des torrens,
Rendez-vous comme moi nus, maigres, ignorans ;
Chassez loin dans l’oubli toutes vieilles doctrines,
Et que la vieille chair sèche sur vos poitrines. »
— « Ta voix, maître, nous semble inviter à la mort ! »
— « Nul ne vivra toujours sans s’immoler d’abord,
Sans avoir traversé, voyageur intrépide,
La région du vide et le sable torride.
Écoutez le désert : « Sur mes sables sans fin
« J’endure le soleil et la soif et la faim
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