« Je n’ai ni frais manteau de gazon, ni ceinture
« De ruisseaux ombragés, ni turban de verdure.
« Je jeûne et je suis nu de toute éternité ;
« C’est pourquoi le Seigneur m’a toujours habité,
« Et tous les cœurs impurs, en qui la mort pénètre,
« Doivent se consumer dans mes feux, pour renaître. »
— « Maître, à qui le désert a parlé si souvent,
Dans ses secrets sentiers conduis-nous plus avant ;
Sans doute il t’a montré ce que l’œil ne voit guères ? »
— « Non, la terre m’offrit ses spectacles vulgaires,
J’ai vu les loups gloutons et les chacals, plongés
Dans le sang des troupeaux par le tigre égorgés,
Luttant pour assouvir leur faim terrible, ancienne,
Quand l’horrible chasseur avait repu la sienne ;
Ils mangeaient ardemment, longuement, sans repos,
Après la chair encor leurs dents broyaient les os.
Mais je n’ai jamais vu la brute, dans son antre,
Mourir de plénitude en festoyant son ventre.
En vérité, sachez que les chiens et les loups,
Hommes, dans leurs repas, sont moins hideux que vous !
J’ai vu, lorsqu’au printemps le rut les aiguillonne,
Se cherchant, s’appelant, le lion, la lionne ;
Le couple en rugissant sur l’herbe se roulait ;
De leurs fauves plaisirs le sol même tremblait.
Puis, de forts lionceaux, apparus à la vie,
Attestaient de l’amour la sainte loi suivie.
Et je dis : Les lions, dans leurs fougueux hymens,
Sont plus purs devant Dieu qu’aujourd’hui les humains,
Et, libres des forfaits que la nature abhorre,
Condamnent vos cités, ces filles de Gomorrhe ! »
— « Parle encor du désert, ô maître, tes discours
Dussent-ils accuser et maudire toujours ;
Ne t’a-t-il pas montré des choses moins cruelles ? »
— « J’ai vu les grands troupeaux des daims et des gazelles,
Après un long parcours de sables, de rochers,
Trouver enfin la source et le gazon cherchés ;
Et tous se répandaient sur la pelouse verte,
Chacun broutait un peu de l’herbe à tous offerte ;
Et je ne voyais pas le plus faible, à l’écart,
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