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Ainsi, le gouvernement sarde marche dans la voie des améliorations matérielles, on ne saurait le contester. Le bon état de ses finances lui permet de soutenir le fardeau d’entreprises considérables ; car, aux travaux que nous venons de citer, il faut encore ajouter l’ouverture de deux nouvelles routes, celle du mont Genèvre et celle du col de l’Argentière, destinées à multiplier et à faciliter les relations entre le Piémont et les départemens des Hautes et des Basses-Alpes, la construction d’un bassin de carénage dans le port de Gènes, etc. Près de 16 millions ont été affectés à ces constructions pendant l’année 1846, tant par le trésor royal que par les provinces et les communes ; dans cette somme il ne faut pas comprendre les dépenses du chemin de fer de Gènes, qui se sont élevées à 8 millions. L’exercice 1847 de cette ligne a été porté à 32 millions, dont 6 millions pour achat de rails, etc.

Comme nous l’avons fait remarquer, l’achèvement de la grande voie de communication entre Gènes et le lac Majeur est le besoin le plus urgent du Piémont, et doit être l’objet de toute la sollicitude de son gouvernement. N’y fût-il pas, d’ailleurs, porté par le sentiment de son intérêt, il ne manquerait pas de bons et fidèles alliés empressés de l’en convaincre et de l’y pousser, surtout s’ils en pouvaient espérer pour eux-mêmes quelque avantage. On n’a point oublié les essais infructueux de l’Angleterre pour ouvrir à la malle des Indes un passage par Trieste et les chemins de fer de l’Allemagne. Les expériences répétées du lieutenant Whaghorn ont été décisives en faveur du trajet par Marseille ; mais ni le Post-Office ni M. Whaghorn ne se tiennent pour battus. Forcé de recourir à la voie de Trieste, l’infatigable et obstiné M. Whaghorn cherche aujourd’hui à s’ouvrir un passage par différens points de la côte orientale de l’Italie, depuis Otrante jusqu’à Ancône, d’où, franchissant la péninsule sur une ligne diagonale, il gagnerait par Naples ou Livourne le port de Gènes. Dans ce projet, de quelle utilité ne serait pas pour le gouvernement anglais une voie de fer continue de Gènes à Constance ! Nous ne serions nullement surpris de le voir, lui aussi, à l’exemple de sa majesté sarde, venir au secours des concessionnaires du chemin de Locarno par son influence ou par des moyens pécuniaires. Quoi qu’il en soit, sans en attendre l’ouverture, qui ne saurait être très prochaine, l’administration des postes anglaises s’est mise en devoir de préparer des expériences sur le trajet de Gènes à Bâle, et, pour cela, elle pourra profiter des bénéfices accordés au mois de mars dernier à la compagnie péninsulaire et orientale de navigation à vapeur. D’après cette convention, les paquebots anglais sont exemptés de la plus grande partie des droits d’ancrage à leur entrée dans le port de Gènes, et la compagnie a été autorisée à établir près du môle Vieux un dépôt de charbon et des magasins d’entrepôt pour ses marchandises. En retour, elle s’engage à transporter gratuitement les dépêches du gouvernement sarde et les lettres des particuliers aux prix de 50 centimes et 1 franc les trente grammes, suivant la destination. Les nouvelles tentatives de M. Whaghorn réussiront-elles mieux que celles de l’année dernière ? Ceux que préoccupe la crainte de voir la France privée du transit de la malle des Indes peuvent tirer de ce fait un argument pour presser la construction du chemin de Paris à Lyon et de Lyon à Avignon ; mais cette crainte nous touche peu, nous l’avouons. Nous ne pensons pas, quoi qu’il pût arriver, que la suppression de la malle des Indes fût de nature à nous causer un grand préjudice. L’administration des postes françaises