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Qui gouverne le peuple et que la chair gouverne !
Leurs monstrueux festins, leurs amours plus hideux,
Répandent la famine et la peste autour d’eux ;
Les plus divins trésors de la terre y périssent,
La perle s’y dissout, les vierges s’y flétrissent,
Et meurent par milliers dans leurs embrassemens ;
Tous leurs jeux sont ornés de l’aspect des tourmens ;
Des hommes, déchirés par ces hommes de proie,
Dans leurs viviers sanglans engraissent la lamproie.
Toi qui portes leur joug et le trouves si dur,
Peuple, en ta pauvreté tu n’es pas moins impur !
Tu prends part, quand tu peux, à leur orgie infâme,
Où tous vous oubliez que vous avez une ame.
Vous, lâches affranchis, vous avez regretté
Les ognons de l’Égypte et la captivité.
D’une chaîne à vos cous souffrant la flétrissure,
Pour savourer en paix l’ivresse et la luxure,
Devant l’or et l’argent vous vous agenouillez.
Les grands et les petits, vous êtes tous souillés ;
Vous êtes corrompus dans vos forces viriles ;
Votre exécrable hymen rend les femmes stériles.
Jeûnez donc, refusez le pain même et le vin,
L’amour dont vous avez flétri le nom divin ;
Quittez femmes et sœurs, car vous avez fait d’elles
Un servile bétail et d’impures femelles ;
Laissez là vos enfans, qui, dans votre maison,
D’un exemple mortel aspiraient le poison.
Vous ne méritez plus ni cités, ni familles.
Jeûnez donc de l’aspect de vos fils, de vos filles,
Fuyez même la face humaine ; allez, épars,
Habitant les rochers comme les léopards,
Et pleurez, au désert, les jours où vous vécûtes,
Tels que vous gagneriez en imitant les brutes,
Tels que, dans votre chair menacés de pourrir,
Il faut la retrancher si vous voulez guérir. »

Debout sur une roche étroite, et que du fleuve
La blanche écume atteint, si peu que l’eau s’émeuve,
Pieds nus, d’un long bâton armé comme un pasteur,
Il s’appuie, et, parlant de toute sa hauteur,
Châtie ainsi la foule incessamment accrue,
De loin, pour l’écouter, vers le fleuve accourue ;
Foule étrange de gens incultes ou maudits,