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Contraint par le plus fort de lui céder sa part ;
Et, plutôt que laisser mourir de la famine
Le troupeau fraternel qui suit sa loi divine,
Notre père commun, devant les pieds des daims,
De ce vert oasis allongeait les jardins,
J’ai vu, dans ses travaux, le peuple des abeilles
De sa ville embaumée ordonnant les merveilles ;
Des flancs de l’arbre creux, nettoyés avec soin,
De nombreux ouvriers se répandent au loin,
Et nul, en épuisant les parfums des calices,
Ne songe à s’enivrer d’égoïstes délices ;
Tous travaillent ; aussi la féconde cité
Conserve tout l’hiver les présens de l’été ;
L’abondance l’habite, et la ruche encor laisse
Fuir des fentes du chêne un trop plein de richesse,
Et répand, pour la faim du pauvre voyageur,
L’aumône d’un miel pur béni par le Seigneur. »


III.


Loin des hommes, ainsi, la voix de Jean captive
Des élus du désert la famille attentive.
Puis, quand il vint plus près des pays habités,
De nouveaux pénitens sortaient de tous côtés ;
Car le bruit de son nom, dans les cités surprises,
Tombait, comme apporté du désert par les brises.
Tels d’un fleuve lointain, dans le calme des nuits,
Avec l’odeur des bois roulant vers nous les bruits,
Un vent frais les répand, en sonores bouffées,
Dans les murs des cités de poussière étouffées.
Plusieurs, dans la mollesse et les mauvaises mœurs,
S’éveillaient et marchaient, frappés de ces rumeurs,
Et couraient au-devant de celui qui châtie,
Et courbaient sous sa main leur tête repentie,
Jeûnant, marchant les reins du cilice entourés,
D’un besoin de douleur tout à coup dévorés.
Or, du maître en courroux, dont la voix tonne et gronde,
Plus le joug est sévère et plus la foule abonde ;
Et lui, les flagellant du fouet de leurs péchés,
Savait rouvrir aux pleurs les yeux les plus séchés

« Age impur, race avide, au front bas, à l’œil terne,