Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des toiles peintes, la proportion de ces dernières étant infiniment supérieure à celle des étoffes soumises à une simple teinture.

Nous avons donc soigneusement relevé, — d’après la Statistique générale du commerce de la France, que remet annuellement l’administration aux chambres législatives, — la période décennale de 1835 à 1844, qui nous a paru la plus convenable pour donner une idée de l’importance relative des divers débouchés qui s’offrent actuellement aux cotonnades imprimées d’origine française. Presque toutes les contrées du globe, dans des proportions plus ou moins étendues, accueillent sur leurs marchés les indiennes de nos manufactures. L’Espagne, par exemple, malgré les efforts continuels de l’Angleterre pour s’attribuer le monopole du commerce péninsulaire, en s’associant aux tentatives souvent fructueuses de la contrebande, a importé chaque année, au-delà des Pyrénées, des quantités considérables de nos toiles peintes. Avant la dernière entrée des Français dans la Péninsule, cette contrée ne recevait que par fraude les produits de nos fabriques ; mais, depuis cette époque, notre exportation en tissus peints y a toujours été en croissant. C’est ainsi qu’en 1835 elle n’excédait pas 298,477 kilogrammes, tandis qu’en 1840 elle atteignit tout à coup le chiffre énorme de 820,557 kil. ; pendant la période totale, elle est donc en moyenne de 517,271 kil., représentant une valeur de 13,449,046 francs. On est en droit de s’étonner de l’élévation de ce chiffre, si l’on songe aux guerres civiles, qui troublent si souvent nos malheureux voisins des Pyrénées, si on compare surtout l’Espagne aux états divers dont nous approvisionnons en partie les marchés ; mais cette primauté de la Péninsule, comme débouché de nos toiles peintes, est plutôt apparente que réelle. Recherchant en effet de préférence les indiennes communes, l’Espagne doit vraisemblablement le premier rang qu’elle occupe dans nos exportations de tissus peints à l’expression en kilogrammes que fait de celles-ci l’administration des douanes ; car on doit alors, pour avoir ce qu’on nomme la valeur officielle des toiles exportées, en multiplier la quotité ainsi exprimée en poids par le nombre 26, taux moyen d’évaluation en francs d’un kilogramme de cette sorte de marchandise[1].

Si l’entrée de la Russie, de la Lombardie, de l’Autriche, nous est presque entièrement interdite, en revanche, et par une sorte de compensation, la Suisse vient enlever dans nos manufactures des quantités toujours croissantes de ces étoffes imprimées qui elle fabrique pourtant à meilleur marché que notre industrie nationale. Ainsi, nos envois dans ce pays limitrophe se sont élevés, dans les deux années extrêmes de la période que nous examinons, de 55,664 kil. à 149,601 kil. L’Angleterre elle-même, qui semblerait devoir regorger de ce genre de produits, nous présente un vaste débouché qui ne remonte pas au-delà de 1830, mais peut déjà s’évaluer annuellement à 1,539,564 fr. L’exportation de nos toiles peintes n’obtient pas à la vérité le même succès en Hollande depuis 1838, ni en Allemagne depuis 1841, où elles ont cessé d’être expédiées directement, par suite de l’influence qu’exerce aujourd’hui l’association douanière

  1. C’est ici le lieu d’appeler l’attention sur une cause générale d’erreur qui plane sur tous les chiffres dont nous faisons usage ; nous voulons parler de la base trop élevée sur laquelle repose actuellement l’appréciation de la valeur officielle d’un kilogramme de tissus imprimés. Il y a vingt ans, à l’époque où ce taux fut établi, il pouvait être de 26 francs, mais de nos jours il est certainement diminué, de moitié peut-être.