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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/15

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système décimal, d’après les expériences soignées faites sous les yeux de la commission administrative de 1838, qui a eu pour rapporteurs MM. Dumas et de Colmont, elle serait, par an, de seize parties sur cent mille seulement, ou de 1 sur 6,250, diminution bien faible, mais qui, à la longue cependant, deviendrait sensible. D’autres expériences, répétées à la monnaie de Londres à diverses époques, sur des pièces plus semblables par leurs dimensions à celles que frappaient les anciens, en accusent une beaucoup plus marquée. Ainsi, sur les pièces d’or, qui sont cependant plus résistantes que celles d’argent, la perte irait à 1 sur 950. Sur les pièces d’argent, elle monterait à 1 sur 200. Pour l’antiquité et le moyen-âge, en ayant égard autant que possible à toutes les circonstances connues, M. Jacob a pris, pour exprimer le frai annuel, la proportion de 1 sur 360, et dans ses évaluations il a maintenu cette base jusqu’au commencement du XVIIIe siècle. Que si on y ajoute la déperdition due aux naufrages et aux accidens journaliers, on arrive à une proportion très appréciable. M. Mac Culloch estime que, tout compris, il faut calculer sur une diminution annuelle de 1 pour 100. Si l’on part de cette hypothèse, on trouve qu’un milliard frappé à l’ouverture d’un siècle ne présenterait plus à la fin que 366 millions, et après deux siècles 134, et qu’après cinq cents ans il serait réduit à la somme insignifiante de 6,600,000 francs. À ce compte, on voit qu’il ne serait pas resté grand’chose en Europe vers le XIe siècle, quand le travail des mines était à peu près abandonné encore, de la masse de numéraire qu’avait possédée l’empire romain, quelle qu’elle eût pu être[1].

Si on admettait le frai de 1 trois cent soixantième, adopté par M. Jacob, en écartant même, ainsi qu’il l’a fait, toute autre cause de disparition, on trouverait qu’un milliard est réduit : après un siècle, à 755 millions ; après cinq cents ans, à 240 millions ; après mille ans, à 60 millions. Ainsi, avec le frai de 1 trois cent soixantième, une masse de numéraire qui serait montée à 5 milliards sous Constantin, et que le produit des mines ne serait pas venu entretenir, n’aurait plus été que de 300 millions à l’époque de Philippe-le-Bel.

On voit aussi que déjà, au moment où nous sommes, la masse des trésors fournis par le nouveau continent a dû subir un certain déchet, car la production des mines d’Amérique était déjà considérable il y a deux siècles. Le Potosi, à lui seul, avait alors rendu des sommes prodigieuses.

Ce qui précède explique comment l’or et l’argent étaient devenus

  1. Si l’on suppose une déperdition moitié moindre que celle qu’indique M. Mac Culloch, soit de 1/200e par an, on trouve qu’après un siècle un milliard est réduit à 605 millions ; après deux siècles, à 366 millions ; après cinq cents ans, à 81 millions ; après mille à 6,600,000 Francs.