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du gouvernement, parce qu’elles inquiètent surtout le pays. Il n’y a en ce moment aucune vivacité d’opinion, soit pour l’extension des droits politiques, soit pour les questions extérieures. Sur ce dernier point, on a vu avec satisfaction le gouvernement montrer à propos de la résolution et de la fermeté. On est moins tranquille sur les intérêts commerciaux et financiers : on se demande s’il y a eu là habileté suffisante, s’il y a eu prévoyance. Le gouvernement ne saurait trop y songer. Si dans certaines parties la fatigue se fait trop sentir, il doit y porter de nouvelles forces administratives. Nous pouvons d’autant mieux adresser ces conseils au cabinet, qu’il vient de se fortifier par l’avènement d’un ministre nouveau dans un département important. Quelques jours après les obsèques de M. Martin du Nord, M. Hébert a pris possession de la chancellerie ; il a reçu le conseil d’état et la magistrature. On a été généralement frappé de la fermeté et du ton de conviction avec lesquels le nouveau garde-des-sceaux a parlé des devoirs qui lui étaient imposés par la confiance du roi et la gravité des circonstances.

En attendant que ses commissions lui apportent des travaux importans, la chambre a voté des crédits pour les hospices, les bureaux de bienfaisance, pour la réparation de certaines routes ; elle a pris aussi en considération, à l’unanimité, une proposition de MM. Émile de Girardin et Glais-Bizoin, qui, si elle est adoptée, ne sera pas sans quelque influence sur les destinées de la presse périodique. La proposition de M. de Girardin supprime entièrement le timbre en ce qui concerne les journaux, ouvrages périodiques, prospectus, avis de commerce, etc. Elle remplace le droit supprimé par une augmentation de taxe postale. Voici quelle serait l’échelle de proportion : une feuille de 40 décimètres paierait 4 centimes ; celle de 51 décimètres, 5 centimes ; de 61 décimètres, 6 centimes ; de 101 décimètres, 10 centimes. On ne saurait refuser à la proposition le mérite d’une simplicité toute pratique. Elle abolit un impôt exorbitant sans dommage réel pour le trésor, puisqu’elle y substitue un droit qui n’est que le remboursement des frais de port. M. le ministre des finances, loin de combattre la prise en considération, l’a demandée ; il croit qu’il résultera de cette proposition un projet de loi qui pourrait être voté dans le cours de la session actuelle. Si les choses se passent ainsi, cette réforme, bien qu’il en soit question depuis plusieurs années, sera une de celles qui auront été le plus rapidement emportées.

Tout le monde est bien résolu, tant du côté du gouvernement que du côté de l’opposition, à traiter à fond le problème de la colonisation de l’Algérie. Les circonstances sont favorables. L’énergie et l’habileté qui ont présidé à la répression des prises d’armes de 1840 et de 1845 ont pacifié l’Afrique. L’occupation générale du pays, la surveillance qui a été vigoureusement organisée sur tous les points, ont rendu de grandes révoltes presque impossibles. N’avons-nous pas vu récemment les indigènes de la grande Kabylie arriver eux-mêmes à composition, et nouer avec nous des relations amicales ? Le gouvernement et les chambres ont donc eu raison de ne pas vouloir qu’on allât les provoquer les armes à la main. De quoi s’agit-il aujourd’hui ? D’organiser la conquête, de la garantir, de la confirmer par un ensemble de mesures, par un système administratif et politique qui allège les dépenses exorbitantes d’une occupation armée, et permette à la France, avec le temps, de retirer une partie des forces militaires