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tant d’empire parmi nous ? c’est qu’elles vivaient au milieu d’une société dont les convictions et les idées étaient solidement établies. Les femmes les acceptaient comme des principes au-dessus de tout débat, et par leur aimable influence, elles les affermissaient encore. Elles étaient tranquilles sur leur propre puissance, elles en jouissaient d’une manière non moins spirituelle que sensée, et Molière n’avait qu’à jeter les yeux autour de lui pour saisir les principaux traits dont il composa l’admirable type d’Elmire, où se trouvent associés, avec un charme ineffable, la grace et le devoir, l’enjouement et la raison. Aujourd’hui les femmes sont bien loin de cette sécurité sur le rôle qu’elles ont à remplir, elles laissent voir des prétentions inquiètes et ambitieuses qui, au lieu de consolider leur règne, y portent le trouble. A coup sûr, les plus brillantes d’entre elles n’ont pas moins d’esprit que n’en eurent les femmes qui causèrent avec M. de la Rochefoucauld et Racine ; il y a même dans l’imagination de quelques-unes de celles qui écrivent de nos jours un élan supérieur, et cependant, en dépit de cette distinction ; on sent quelque chose de discordant, de faux et de confus. Les femmes se sont mises avec les hommes à la recherche de la vérité métaphysique et sociale, et cette poursuite leur réussit moins encore qu’à nous : elle les déplace sans leur faire jamais toucher le but. Il faut mettre ces méprises surtout à la charge de notre siècle, qui, restant suspendu entre les anciennes croyances et les idées nouvelles, n’indique pas avec l’autorité nécessaire aux ames ardentes où elles doivent chercher une réponse à leurs incertitudes et un remède à leurs tourmens.

Les traits généraux qui caractérisent la jeunesse sont les mêmes dans tous les pays et à toutes les époques : l’ardeur du sang, l’exaltation du tempérament, l’épanouissement de la vie, l’impétueuse candeur des illusions. Quant aux traits particuliers, si nous ne rencontrons rien d’original dans la jeunesse de nos jours, nous en accuserons encore notre siècle, et la confusion contradictoire de ses mouvemens et de ses pensées. Où se prendre ? à qui croire ? Faute de trouver à quoi donner sa foi et son dévouement, beaucoup de jeunes gens livrent leurs plus beaux jours à des dissipations vulgaires. Les plus vifs se moquent de la vie avant de la connaître, mais cette ironie prématurée n’a pas de trop funestes conséquences. Comme la jeunesse n’a plus de grands élans, elle ne peut tomber que dans de petits désordres. Les plus sages prennent le masque et les calculs de la maturité ; ils s’étonnent d’être encore à vingt ans sans situation, sans influence ; à leurs yeux, leur époque n’a qu’un tort, c’est d’être trop lente à récompenser leur mérite. C’est l’égoïsme dans toute son ingénuité, dans toute sa primeur.

Si notre siècle avait des croyances plus fermes, aurait-il tant de peine à résoudre le problème de l’éducation ? Dans les époques où les convictions sont profondes, il n’y a pas d’hésitation sur la manière d’élever