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celles-ci, il attaque sur mer son commerce. Voilà les dangers dont l’Espagne doit chercher à se préserver. C’est contre l’Angleterre qu’elle doit tourner tous ses efforts.

« Vous voudrez bien, monsieur l’ambassadeur, faire toutes les démarches nécessaires pour que l’Espagne arrête ses armemens, et vous vous attacherez moins à lui montrer de l’ombrage qu’à lui faire comprendre qu’ils sont inutiles[1].

« L’occupation de Hambourg et des ports du Nord est l’opération qui influera le plus sur la paix maritime, qui obligera le plus les Anglais à renoncer à leur système et à restituer nos colonies. L’empereur renouvelle à sa majesté catholique l’engagement de lui faire rendre toutes les siennes, et, pour lier entre elles toutes les mesures que les deux gouvernemens doivent prendre d’après leurs traités d’alliance, il demande que l’Espagne fournisse quatre mille hommes de cavalerie, dix mille d’infanterie et vingt-cinq pièces de canon attelées, afin de former un corps d’observation du côté du Hanovre et de s’opposer à l’armée anglaise qui voudrait débarquer et forcer le blocus. L’Espagne vient de faire des levées de troupes de terre ; voilà le moment de les employer[2]. »

L’empereur ne se borna pas à exiger un contingent de troupes de terre ; il demanda que l’escadre espagnole, mouillée dans le port de Carthagène et forte de six vaisseaux de ligne, se réunît à la flotte française qui était dans le port de Toulon. C’était autant de gages qu’il voulait avoir entre les mains de la soumission de l’Espagne.

Après la bataille d’Iéna, l’armée victorieuse avait fait un nombre immense de prisonniers. C’était un glorieux fardeau ; mais c’était un fardeau. Napoléon imagina de s’en décharger en partie sur l’Espagne. Il lui fit annoncer l’envoi de vingt-cinq mille Prussiens et demanda qu’ils fussent employés à la police intérieure du royaume.

Enfin, par ses ordres, M. de Beauharnais donna au gouvernement espagnol communication des grandes mesures décrétées à Berlin contre le commerce anglais, et l’invita à les mettre immédiatement en vigueur dans ses ports et sur toutes ses côtes[3].

La cour de Madrid n’était point préparée à tant de demandes faites coup sur coup : elle en fut consternée ; mais elle n’était plus en situation de nous rien refuser. Elle promit les quatorze mille hommes et les vingt-cinq pièces de canon exigées ; elle promit d’envoyer à Toulon l’escadre de Carthagène, elle poussa l’humilité au point de paraître reconnaissante des vingt-cinq mille prisonniers prussiens que la France mettait

  1. Dépêche du 15 novembre.
  2. Dépêche du 15 décembre.
  3. Lettre de M. de Talleyrand à M. de Beauharnais, 29 janvier 1807.