Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’humiliait devant les volontés de la France. Il promit[1] de séparer sa cause de celle de l’Angleterre ; « il lui déclarerait la guerre, il lui fermerai tous ses ports, et mettrait à la disposition de la France tous ses vaisseaux. » Là s’arrêtait la limite de ses concessions ; il refusa formellement de confisquer les propriétés des Anglais et d’arrêter leurs personnes. « De telles mesures, dit M. d’Araujo dans sa note du 21 septembre, répugnaient trop à l’esprit de justice et de religion de son altesse royale. »

Quand cette note fut envoyée à MM. de Rayneval et de Campo-Alange, le gouvernement portugais avait déjà fait savoir secrètement à tous les négocians anglais établis en Portugal le danger qui les menaçait, et les avait avertis de mettre en sûreté leur personne et leurs propriétés. Plus de trois cents familles anglaises s’embarquèrent aussitôt, et emportèrent avec elles une partie considérable du numéraire en circulation dans le royaume.

Le régent n’ayant point accepté la totalité des conditions imposées par la France, M. de Rayneval annonça que sa mission était terminée et demanda ses passeports ; mais M. d’Araujo le conjura d’attendre au moins la réponse du cabinet français à sa note du 21 septembre. Dans la prévision d’une rupture jugée inévitable, le gouvernement portugais prit diverses mesures de précaution. Il arma et équipa avec une célérité extraordinaire cinq vaisseaux de ligne, et demanda des secours à l’Angleterre. Cette puissance promit d’envoyer au plus tôt dans le Tage une escadre, qui, réunie aux vaisseaux portugais, protégerait, le cas échéant, l’embarquement et la retraite du régent et de sa famille au Brésil.

Napoléon ne se laissa point endormir par la feinte humilité de la cour de Lisbonne. Il blâma sévèrement M. de Rayneval de n’avoir pas insisté, comme le lui commandaient ses instructions, sur la remise immédiate de ses passeports, et ne voulut admettre aucune restriction dans la soumission du régent[2]. Sans précisément exiger que les Anglais qui se trouvaient encore en Portugal fussent individuellement incarcérés, il demanda que, par des mesures de haute surveillance, le gouvernement portugais s’assurât de leurs personnes et rendît impossible leur évasion. Il ne se contenta pas de faire savoir ses volontés à la cour de Lisbonne par l’intermédiaire de son représentant : il les signifia directement lui-même au prince régent et il lui écrivit à cet effet. Les sacrifices demandés au régent dépassaient la mesure des concessions que l’Angleterre l’avait autorisé à faire. Le prince déclara à M. de Rayneval qu’il lui était impossible de déférer à toutes les exigences de

  1. Note de M. d’Araujo du 21 septembre.
  2. Lettre de M. Champagny à M. de Rayneval, 7 septembre 1807.