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Un établissement extérieur doit être pour un peuple ce qu’est pour le simple négociant la création d’un comptoir à l’étranger, c’est-à-dire un calcul commercial, dont la preuve ressort de la balance des frais et des produits. Les théoriciens qui ne fournissent pas ce genre de preuve, soit qu’ils ignorent, soit qu’ils dédaignent la pratique industrielle, se débattent dans le vide. Leurs assertions, aussi bien que les critiques qu’ils provoquent, manquent de sanction, et ne peuvent déterminer aucune certitude dans les esprits. Nous considérons donc comme une nécessité de mettre en mouvement sous les yeux du lecteur le mécanisme proposé. Nous ne craindrons pas de descendre dans les détails minutieux de l’application, puisqu’il en doit jaillir de nouvelles lumières sur l’état et les ressources de la colonie.

Dans la spéculation algérienne, avons-nous dit, chaque groupe doit s’en tenir à la culture des vivres pour la consommation locale, et à la production en grand d’une ou deux marchandises d’exportation. Prenons donc pour exemple un domaine consacré à la culture du cotonnier ; supposons qu’une société constituée suivant les principes qui viennent d’être discutés entreprend la mise en valeur d’une superficie de 2,500 à 3,000 hectares, dont au moins 1,500 de bonne terre et le reste de qualité inférieure ; 1,000 hectares environ formeraient la cotonnière ; une pareille étendue comprendrait les terres arables, ensemencées en céréales, cultivées en prairies ou laissées en jachère. Les landes et les broussailles formant le dernier tiers du domaine ne seraient converties qu’à la longue en plantations et en bois taillis : ces terrains vagues offriraient des ressources pour le pâturage et le combustible. Nous remarquerons que l’espace consacré au coton serait complanté en légumes et en plantes fourragères : on peut évaluer au tiers l’espace disponible entre les cotonniers-arbres, ce qui laisserait 300 hectares de plus pour la nourriture du bétail.

Une concession faite par le gouvernement coûte tout l’argent qu’il faut dépenser pour préparer le sol à la culture. Entre deux terrains offrant au même degré les avantages de la fertilité, de la salubrité et des communications faciles, dont l’un, inculte et dégarni, pourrait être obtenu gratuitement, dont l’autre, déjà mis en valeur, devrait être acheté, il y aurait profit évident à préférer le dernier, pourvu que le prix d’achat fût en rapport avec les travaux accomplis. Les obstacles au défrichement, les frais qui en résultent, ne peuvent pas être appréciés d’une manière générale. Beaucoup de terres, non pas précisément incultes, mais traitées à de longs intervalles, selon le système capricieux des Arabes, sont plutôt des jachères négligées que des friches : elles n’exigent pas un défoncement méthodique ; tristement dépouillées ou garnies d’herbes peu tenaces, il suffirait pour les ameublir d’un fort labour à la charrue. Quelquefois le terrain s’est couvert de taillis ou