Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de broussailles qu’il devient nécessaire d’arracher ; mais alors on a pour dédommagement la vente des fagots et des souches. MM. Rameau et Binel ont calculé que, pour une dépense moyenne de 150 francs par hectare dans ces sortes de terres, on retrouve une valeur de 60 francs en combustible. Il y a mieux : les buissons contiennent en grand nombre les sauvageons d’arbres précieux qui croissent spontanément en Algérie. Suivant la recommandation de M. Moll, on enlèvera avec soin les jeunes plants d’oliviers, de figuiers, de citronniers, de jujubiers, pour les replanter immédiatement en pépinière. L’épouvantail du défricheur, c’est le palmier nain. Si l’on considère que cet arbuste vivace est scellé, pour ainsi dire, dans le sol par une touffe de racines chevelues et pénétrantes qui repoussent tant qu’il en reste un tronçon, on n’est plus étonné que le défrichement de certaines parties du sahel d’Alger ait coûté jusqu’à 800 francs l’hectare. De petits propriétaires, à proximité d’une grande ville, ont pu supporter ces frais excessifs. Une compagnie devant approprier une vaste superficie en serait écrasée, Heureusement que les parties les plus fertiles de l’ex-régence sont précisément celles où le palmier nain est le plus rare. L’admirable vallée du Chélif en est à peu près exempte. A mesure que la colonisation se répandra dans les plaines, le défoncement du sol deviendra moins onéreux. Si l’on opère dans un lieu éloigné et désert, la plus forte dépense sera celle du baraquement provisoire et du transport des vivres pour les défricheurs. L’emploi des indigènes en aussi grand nombre que possible, le concours des soldats moyennant une juste rétribution, les procédés mécaniques, tout ce qui pourra accélérer la mise en rapport deviendra une économie. En résumé, comme il est probable que des spéculateurs intelligens ne choisiront pas des terrains trop surchargés d’obstacles, c’est agir largement que d’allouer une avance moyenne de 100 fr. pour le défrichement de chaque hectare d’un grand domaine.

Quelques dépenses comprises dans le fonds de premier établissement sont directement productives, à tel point qu’il y aurait profit à les multiplier. Les frais et les difficultés des transports écrasent aujourd’hui la production agricole. Un chameau ou un mulet qui ne peuvent porter à dos que deux hectolitres de blé, c’est-à-dire une valeur de 30 fr. au plus, coûteraient avec un indigène pour conducteur environ 5 fr. par jour ; on fait peu de chemin dans une journée quand les voies ne sont pas frayées. On peut évaluer l’économie qu’il y aura à relier un domaine isolé aux grandes voies de communication par des routes praticables pour le roulage. Le régime des eaux n’est pas moins important. Nous avons déjà signalé les merveilleux effets de l’irrigation. Quoique l’Afrique soit souvent désolée par les sécheresses ; l’élément humide n’y est pas rare ; la distribution seule en est désordonnée. Les courans y sont nombreux, les pluies plus abondantes qu’en France ; mais