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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/339

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organes à l’Athénée. Maintenant, si l’on veut, cherchons la politique active, pratique, sur son véritable théâtre, à son vrai foyer, ou du moins à ce qui devrait être son foyer : c’est au congrès qu’il faut aller.


III.

Diriez-vous vers le palais de la reine. Près de la Glorieta se trouve un grand édifice massif, vulgaire ; c’était autrefois le théâtre del Oriente : c’est là que le congrès se réunit aujourd’hui provisoirement. Malheureusement l’intérieur se ressent de sa primitive destination : il y a dans la décoration de la salle plus d’élégance que de dignité et de grandeur ; les glaces, les tentures de velours, les girandoles qu’on y remarque, tout cet ensemble coquettement luxueux a un air théâtral qui s’accorde peu avec la gravité d’un parlement ; des huissiers revêtus d’un costume bizarre et éclatant, à la tête empanachée, ajoutent à cet effet. En elle-même, une séance du congrès espagnol n’a pas toute l’animation qu’on imagine peut-être ; elle laisse froid et incertain, comme ferait une pompeuse fiction. Il n’y a pas là, comme en Angleterre à la chambre des communes, ces fortes et simples habitudes de discussion, qui sont le fruit d’une longue expérience des grandes affaires ; il n’y a pas, comme en France, cette mobilité d’impressions, cette promptitude de reparties, cet à-propos dans la parole, cet esprit de ressource dans l’attaque et dans la défense, cette multitude d’éclairs, qui font d’une séance de nos chambres un tableau si dramatique et parfois si émouvant. Au congrès espagnol, on sent une certaine inexpérience de la discussion. Les orateurs, qui se succèdent sans quitter leur place, parlent avec une volubilité prodigieuse ; ils semblent s’enivrer de leur propre parole, et on dirait, d’après le silence qui règne dans l’assemblée, que chacun respecte cet enivrement. Ce n’est point l’éloquence qui manque au congrès, c’est le tact parlementaire, l’art de préciser et de resserrer un débat, de poser nettement une question politique, l’art de ne point faire de discours qui durent deux jours, où les affaires sérieuses ont moins de place que les théories illusoires, les griefs, les récriminations des hommes et des partis ; c’est la force d’impulsion et d’action que le congrès ne possède pas, et on comprend ainsi que souvent les luttes de tribune soient indifférentes au pays, qui souffre et ne reçoit aucun soulagement de cette abondance de paroles. Le combat se livre, pour ainsi dire, au-dessus de sa tête, et, si le peuple lève parfois les yeux pour considérer un instant cette passe d’armes oratoire, c’est en spectateur désabusé, qui en est encore à attendre les bienfaits du régime libre qu’on lui annonce. En assistant à quelques séances du congrès à Madrid, on sent vite ce qu’il y a d’imparfait, de chimérique, de peu profond dans cette réalisation hâtive du système constitutionnel. L’impression