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Pourvu qu’il présente à l’œil étonné une succession éclatante et variée de tons souvent pris au hasard, il ne s’inquiète pas du reste et se tient pour satisfait. Que tous les arbres soient au même plan, que les terrains manquent de solidité, peu lui importe. Si l’œil est ébloui, si l’émeraude et le rubis se disputent l’attention, il a touché le but qu’il se proposait, et il prend en pitié toutes les objections. Qu’arrive-t-il pourtant ? Ces ébauches finissent par lasser le spectateur le plus bienveillant. Toutes ces forêts sans air, toutes ces figures sans charpente, ne peuvent intéresser long-temps. Si M. Diaz ne veut pas perdre sa popularité, il faut qu’il se résigne à de sérieuses études. Ses ébauches capricieuses ont été jusqu’ici applaudies comme des promesses. S’il n’est pas en mesure de réaliser ces promesses, l’oubli, un oubli légitime, l’atteindra bientôt. Vainement ses amis s’obstineront à le présenter comme un maître, comme un modèle : le public ne tiendra aucun compte de ces affirmations sans preuves ; il ne daignera même plus jeter les yeux sur les ébauches de M. Diaz.

M. Gérôme débute par un ouvrage charmant : Deux jeunes Grecs faisant battre des coqs. Il y a dans cette composition une grace, une fraîcheur en harmonie parfaite avec le sujet. Toute la figure du jeune homme est modelée avec une rare élégance. La figure de la jeune fille n’a pas moins de finesse, moins de précision. Seulement il me semble que l’expression du visage ne s’accorde pas assez nettement avec la nature de la scène que M. Gérôme a voulu représenter. Le jeune homme regarde bien, ses yeux sont pleins d’attention et de curiosité ; il règne sur le visage de la jeune fille une mélancolie rêveuse qui serait tout aussi bien placée dans une scène d’un autre genre. La draperie qui enveloppe les hanches a le défaut très grave de masquer la forme qu’elle devrait expliquer. Toutefois ces deux figures sont empreintes d’une jeunesse qui réjouit la vue. M. Gérôme a dignement profité des leçons de M. Gleyre. Peut-être eût-il mieux valu traiter le sujet dans de moindres proportions. C’est une question de goût sur laquelle les avis peuvent varier. Quelle que soit, à cet égard, la décision des esprits scrupuleux, elle ne saurait entamer le mérite réel de l’œuvre que nous examinons. C’est un beau début, c’est plus qu’une promesse. Les encouragemens ne manqueront pas à M. Gérôme, s’il persévère dans la voie où il est entré cette année.

Les Femmes juives à la fontaine, de M. Charles Nanteuil, présentent plusieurs figures étudiées avec soin. Les vêtemens ont de la richesse, les mouvemens sont bien compris et rendus avec bonheur. Je voudrais que la fontaine eût moins d’importance, et je suis sûr que la composition y gagnerait. J’avais fait, l’année dernière, une remarque du même genre sur les Fouilles dans la Campagne romaine, de M. Nanteuil ; comme je n’ai pas changé d’avis, je ne dois pas changer de langage. Il faut évidemment