Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’avait pas de résultat quand elles délibéraient isolément, tire forcément à conséquence du moment où elles sont réunies et votent en commun. Il faudra sans doute une longue éducation avant qu’elles aient pris l’habitude de se considérer comme parties tout-à-fait intégrantes d’un même corps, et l’on peut prévoir des questions d’intérêt matériel qui seront ainsi bien difficilement résolues. M. Bülow-Cummerow appartient à la Poméranie, et c’est justement une des parties du territoire les plus maltraitées dans la constitution de cette chambre haute qui s’appelle l’ordre des seigneurs (Herrenstand). Cet ordre se compose, comme on sait, de quatre-vingts membres, dont dix sont princes de la maison royale ; sur les soixante-dix autres, on en a pris trente-sept dans les deux seules provinces de Silésie et de Westphalie : on n’en a pris aucun dans la Poméranie ultérieure, dans la Prusse occidentale et dans la Nouvelle-Marche, trois régences qui couvrent tout le pays entre roder, la Vistule, la Baltique et la frontière de Posen, et forment à elles seules, en surface carrée, près d’un quart de la monarchie. Ces provinces ont depuis long-temps été sacrifiées ; la monarchie prussienne s’y est d’abord assise et les a constamment ensuite délaissées pour avantager ses nouvelles conquêtes. Ainsi, tandis que l’on s’appliquait à gagner l’esprit des Rhénans en développant les ressources matérielles de leur territoire, on n’a rien fait pour ces vieux sujets, dont on était sûr par toute espèce de raisons. Posen avait été l’objet des mêmes préférences lors des anciens partages de la Pologne. Les routes, les canaux, tous ces grands instrumens de prospérité publique, ont ainsi été répartis sans beaucoup d’équité sur le sol national, et les vieilles provinces ont toujours été le moins favorisées. Cette dernière disgrace qui les atteint à propos de la composition du parlement, prussien leur sera d’autant plus sensible, et M. Bülow-Cummerow se plaint énergiquement au nom de ses compatriotes.

Il est vrai, disons-le, qu’il se trouve peut-être personnellement blessé, et il y a sous jeu quelque amour-propre tant soit peu féodal, dont M. Bulow ne cherche guère à se défendre. C’est un côté de physionomie qui perce dans certaines classes de la société prussienne, et que tous les ouvrages de l’auteur reproduisent avec une vivacité particulière. Membre de l’ordre équestre de Poméranie, M. Bülow ne peut s’empêcher de croire qu’il y a dans cet ordre des membres assez considérables pour siéger dans l’ordre des seigneurs. : il donne des détails spéciaux, fort intéressans d’ailleurs quant à la situation des campagnes, sur l’existence d’une haute noblesse poméranienne dont les antiques propriétés se sont conservées plus ou moins distinctes, et il sépare soigneusement des chevaliers de nouvelle fabrique les châtelains (Schlossherren) du vieux temps, qui comptaient dans leur vasselage des villes médiatisées.

Ces préjugés ou ces faiblesses n’empêchent pas d’ailleurs M. Bülow-Cummerow de porter un coup d’ail très judicieux et très ferme sur toute la constitution. Il se réjouit de ce qui a été octroyé ; il aime les principes en l’honneur desquels on a travaillé, peut-être même ne les croit-il pas assez fidèlement suivis. Par exemple, il n’eût pas voulu que rassemblée des états dût partout, hors dans les questions d’impôt et d’emprunt, se dédoubler et s’accommoder du système anglo-français des deux chambres ; mais, d’autre part, il fait de graves reproches au mécanisme compliqué, aux restrictions multipliées, aux détours artificiels avec lesquels on a essayé d’entraver l’action du futur parlement. Il accepte le progrès,