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en garantissant leur indépendance, assure leur crédit parlementaire. Il pourrait donc y avoir telles exclusions prononcées par la loi qui, loin d’être préjudiciables à la présence et à l’autorité nécessaires d’un certain nombre de fonctionnaires dans la chambre, auraient pour résultat d’augmenter leur considération, en écartant de l’enceinte parlementaire ceux qui n’occupent encore dans l’armée, dans la magistrature, dans l’administration, que des postes subalternes.

Au surplus, les théories et les questions proprement politiques touchent en ce moment beaucoup moins les esprits que les affaires positives. S’il y a deux ans M. de Salvandy eût présenté le projet de loi sur l’instruction secondaire qu’il vient de soumettre à la chambre, que d’émotions il eût soulevées ! Aujourd’hui la loi nouvelle a excité plus de curiosité que de passions, et les impressions de la chambre, lorsqu’elle en a écouté les articles, ont été confuses et diverses. Une première lecture, tant du projet que de l’exposé des motifs, nous a convaincus des intentions élevées et impartiales qui ont animé M. de Salvandy dans la rédaction de son projet. Il a eu la louable ambition de concilier les droits de l’état, de la famille et de l’église. Seulement nous craignons que, bien qu’il ait voulu être bienveillant et juste envers tout le monde, plusieurs des mesures qu’il propose ne paraissent un peu dures aux parties intéressées. En principe, tout Français âgé de vingt-sept ans accomplis et gradué aura le droit de prendre la direction d’un établissement particulier d’instruction secondaire ; mais à quelles conditions, à quelles formalités, à quelles restrictions cette faculté n’est-elle pas soumise ! Les instituteurs particuliers pourront regretter le régime actuel, car ils seront placés désormais sous l’autorité directe du ministre de l’instruction publique, qui exercera sa surveillance non-seulement par les recteurs d’académie, mais par les préfets, les sous-préfets et les maires : de plus, ils deviennent justiciables des tribunaux ordinaires, non-seulement pour les délits de droit commun, mais pour les fautes qu’ils pourraient commettre dans l’exercice de leur profession. L’Université, que, dans son exposé des motifs, M. de Salvandy présente avec raison comme une des institutions fondamentales du pays, ne perd-elle pas, par le projet, quelques-unes de ses prérogatives, qui passent tant à l’autorité ministérielle qu’à la magistrature, et enfin à un grand conseil de l’instruction publique, qui sera comme un arbitre souverain entre elle et les institutions particulières ? Les pères de famille et le clergé, au profit desquels toutes ces innovations sont proposées, seront-ils satisfaits ? Si le nouveau projet avait l’appui de l’église, ces suffrages réveilleraient les passions des partisans de l’enseignement exclusivement laïque ; si, ce qui est plus probable, dans les rangs même du clergé il rencontrait une opposition décidée, où seraient donc ses soutiens ? Au reste, ce n’est pas dans les premiers momens de la présentation d’une loi aussi importante qu’on peut vraiment la juger, et connaître avec exactitude l’impression qu’elle produit sur les esprits. La chambre, à laquelle on soumet un pareil projet dès la première année de la législature, ne voudra pas sans doute précipiter l’examen qu’elle en fera. Il est possible que, lorsqu’elle se séparera, dans quelques mois, elle laisse la question seulement à l’état de rapport.

L’instruction secondaire n’est pas le seul objet sur lequel M. de Salvandy appelle les méditations du parlement. Non-seulement il a présenté au Palais-Bourbon une autre loi relative à l’instruction primaire, mais il a, dès les premiers momens de la session, saisi la chambre des pairs de deux projets considé-