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publicistes n’en ont pas encore fini avec le traité, qui devient un champ de polémique entre la revue des tories et la revue des whigs. Lord Aberdeen, dans ses négociations avec la France, n’a jamais invoqué le traité d’Utrecht ; aussi, le Quarterly raille-t-il lord Palmerston sur son engouement pour un ordre d’argumens qui auraient jusqu’alors échappé à tous les hommes d’état de l’Angleterre et de l’Europe. De son côté, lord Palmerston a songé à présenter l’apologie de sa politique dans l’Edinburg Review. La revue whig maintient l’interprétation donnée par lord Palmerston au traité d’Utrecht ; mais il semble que l’écrivain sente lui-même la faiblesse de cette thèse, car il ne tarde pas à l’abandonner pour aborder tous les argumens actuels et politiques de la question. La conduite tenue par lord Aberdeen est à son tour l’objet de critiques assez amères. Le morceau se termine par des considérations sur les relations à venir de l’Angleterre et de la France. Tout en faisant des vœux pour que le refroidissement entre les deux pays ne soit que passager, tout en reconnaissant que la discussion pendante entre les deux cabinets est aujourd’hui sans objet immédiat, et qu’il n’est dans l’intérêt de personne d’entretenir l’amertume qu’elle a provoquée, le publiciste whig ne croit pas qu’il soit possible d’espérer le retour d’une confiance entière entre les deux pays. Au surplus, ajoute-t-il, les violens orages purifient l’air, et nous espérons que les hommes d’état des deux nations, délivrés de l’atmosphère débilitante d’une amitié de serre chaude, auront, avec moins d’intimité, plus de décision et de franchise. — Il est difficile de ne pas reconnaître dans cet article non-seulement les traces d’une origine officielle, mais aussi l’empreinte des diverses nuances politiques représentées par le cabinet anglais. Le ton de la discussion est tantôt passionné, tantôt presque doucereux. On dirait qu’une main habile et sage s’est attachée en maints endroits à adoucir les vivacités d’une touche plus ardente ; mais, en dépit de ces précautions, il y a dans tout le morceau une animosité contre la France qu’on sent d’autant mieux, qu’après s’être échappée, elle cherche à se contenir.

Au reste, ce qui, en dehors de toute polémique, nous rassure toujours sur le maintien de la paix entre les deux pays, c’est la nécessité où ils sont tous les deux de demander aux développemens de l’industrie et de la civilisation des remèdes au malaise qui les travaille en ce moment. Ni l’Angleterre ni la France ne sont aujourd’hui dans ces situations prospères qui enflent le cœur et inspirent les résolutions téméraires. La Grande-Bretagne a ses plaies, nous avons les nôtres, qui, pour être moins profondes, n’appellent pas moins toute notre vigilance. L’état de leurs finances fera pour long-temps aux deux peuples un devoir d’une haute sagesse.

Dans un moment où les questions financières sont si vivement à l’ordre du jour, on a remarqué davantage chez nous la disparition d’un administrateur éminent qui eut trois fois dans les mains le portefeuille des finances, et qui depuis 1815, soit comme législateur, soit comme ministre, a pris part à toutes les lois, à toutes les mesures importantes concernant la fortune publique. M. le comte Roy, qui vient de mourir à l’âge de quatre-vingt-deux ans, avait la passion de l’ordre dans les finances, et il goûta presque toujours la satisfaction, quand il fut aux affaires, de voir les recettes dépasser les dépenses. Ses opinions étaient modérées et l’associèrent à la politique du duc de Richelieu, de M. le comte Molé, de M. Pasquier et de M. de Martignac. Dans ces derniers jours, le coup le plus