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productive de ces contrées. En Angleterre, où la question agricole, tant de fois agitée, a été l’objet de si nombreuses enquêtes, on a fait d’intéressantes études sur ce sujet. Ces recherches ont invariablement conduit à reconnaître, non-seulement qu’il n’y avait pas là de grande invasion à craindre, mais encore, ce qui est plus grave, que nous ne pouvions pas même compter sur la production de ces pays pour combler entièrement le vide accidentel de nos récoltes. Jamais les contrées du Nord réunies, la Russie, la Pologne et même les provinces de la Prusse contiguës à la Baltique, n’ont pu fournir à l’Angleterre, dans ses plus grands besoins, plus de à 500,000 quarters (de 1,200,000 à 1,500,000 hectolitres) de blé par an. Encore, pour obtenir ces quantités relativement si faibles, fallait-il les acheter à très haut prix dans les ports mêmes d’expédition, parce qu’on avait été forcé de les tirer de fort loin dans l’intérieur des terres, et que les prix originaires étaient considérablement grossis par les frais de transport. Ce que nous disons ici des contrées qui avoisinent la Baltique s’applique, du reste, avec bien plus de raison encore à celles qui bordent la mer Noire, parce que les ressources y sont moindres et les transports plus difficiles et plus coûteux. Si, dans les années où la demande à l’extérieur est nulle, les blés paraissent abondans et sont à vil prix à Odessa, on sait trop bien que la seule demande de nos provinces méridionales suffit pour épuiser ces faibles réserves. La France en a fait assez souvent l’expérience, et c’est désormais pour elle un fait acquis. Aussi est-il vrai que, lorsqu’un grand besoin se manifeste quelque part, on est obligé de tirer des blés de tous les points du monde où l’exportation est libre, les pays dont on vante si haut l’abondance ne pouvant jamais suffire qu’à une petite partie des demandes qu’on leur adresse. A quoi bon, d’ailleurs, insister sur des vérités auxquelles la crise actuelle des subsistances donne une si triste et si éclatante confirmation ?

Il y a vraiment quelque chose d’affligeant dans la persistance opiniâtre avec laquelle on répète sans cesse, en les donnant comme des faits irréfragables, certaines assertions que l’expérience a cent fois démenties. Prenez garde, nous dit-on ; si vous ouvrez vos portes aux denrées étrangères, c’en est fait de l’agriculture française ; toutes vos exploitations rurales tomberont en ruine et vos cultivateurs déserteront les champs : comme si jamais nos portes n’avaient été ouvertes aux denrées étrangères ! comme si l’expérience ne nous avait pas appris ce qu’il en faut penser ! Partant de là, c’est au nom du peuple même qu’on ose ensuite recommander les restrictions, au nom du peuple que ces funestes mesures épuisent, et qu’elles livrent quelquefois à toutes les tortures de la faim ! Et il se trouve encore des hommes de haute intelligence qui condamnent leur parole ou leur plume à propager de telles